Critique : Coup d'éclat

Simon Riaux | 27 avril 2011
Simon Riaux | 27 avril 2011
José Alcaya s'est illustrée avec Alex, film naturaliste et touchant ainsi que par un documentaire réussi consacré aux ouvriers de l'entreprise Molex. La réalisatrice s'attaque ici à des thèmes tels que la paupérisation, l'émigration, la clandestinité, la sécurité, à travers le filtre du polar. Hélas, son approche contemplative tout en épure tombe à plat.

Le film semble refuser tout du long d'appartenir au genre auquel son sujet le ramène sans cesse. De l'évasion d'une suspecte, à la découverte d'une scène de crime, en passant par de molles tentative d'interrogatoire, aucune de ces figures ne sera traité autrement qu'avec une fadeur et une neutralité totale. Evoquer ainsi une histoire ancrée dans la plus grande banalité a pour effet de nous en détacher quasi-instantanément, le plus gênant étant que cette posture se veut une caution réaliste qui ne fait jamais sens.

Visuellement, le film ressemble à une caricature de cinéma-vérité, d'images « prises sur le vif ». Ne cherchez pas un plan harmonieux, ou véritablement composé, n'attendez pas du montage qu'il vous raconte quelque chose (pardon, qu'il vous manipule), et n'espérez pas y voir quoi que ce soit durant les nombreuses scènes de nuit (mais bon sang, puisqu'on vous dit que c'est réaliste !). S'en suit un constant et paradoxal sentiment d'invraisemblance, rien ne nous étant raconté, les rebondissements s'enchaînent mollement au rythme des scènes. Pendant ce temps le spectateur désespère de comprendre le fonctionnement des personnages, dont les motivations seront finalement effleurées lors d'un dialogue désincarné, quelques minutes avant une conclusion totalement dénuée d'émotions.

Ce constat est d'autant plus amer que les comédiens font de leur mieux et sauvent l'entreprise de la catastrophe généralisée. Catherine Frot se démène pour donner un peu d'humanité à son personnage de droopy amer et porté sur le rouge, tandis que la trop rare Marie Raynal insuffle sa seule pointe de vie et d'énergie au film. Karim Segahair est également remarquable, malgré une partition cousue de fil blanc, un rôle finalement purement explicatif et fonctionnel, qu'il parvient toutefois à humaniser.

Au final, on ne voit pas bien où est le Coup d'éclat du titre. Que la réalité du terrain policier puisse être un crève-coeur déprimant, un quotidien de la misère absolue, José Alcala a bien le droit d'en être convaincue. Mais si elle souhaite que nous le soyons à notre tour, il faudra qu'elle nous le raconte, pas qu'elle fasse semblant de le montrer.

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