Critique : Signature

Sandy Gillet | 22 avril 2011
Sandy Gillet | 22 avril 2011

C'est beau un service public inspiré. De fait, après Les beaux mecs qui s'impose déjà comme la pépite et référence de l'année, sans oublier Un village français dont on attend avec impatience la saison 4, voici donc venir Signature un petit « OVNI PAFique » que l'on ne saurait passer sous silence sous peine de faute de goût patentée. Et pourtant, à la lecture du pitch assez quelconque, on était plus que tenté de passer notre chemin. Extrait : sur l'île de la Réunion, la rencontre entre un serial killer, cousin très éloigné de Dexter, et d'une journaliste débarquée de Métropole pour enquêter à titre privé sur la disparition depuis quelques mois d'une personne sans en savoir vraiment plus sur ses motivations. Pour jouer cela on a deux têtes d'affiche du cinéma français et en toile de fond les paysages de la Réunion. Bref cela sentait la grande saga de l'été... avant l'heure.

Mais en y regardant de plus près, on remarque qu'à la barre on retrouve un couple déjà bien rôdé et connu des tvphiles. Hervé Hadmar (à la réalisation et co-scénariste) et Marc Herpoux (co-scénariste) ont en effet marqué leur territoire avec le très stylisé Les oubliées et surtout Pigalle la nuit. Et tout de suite on est déjà plus au taquet sur la chose qui nous le rend bien dès un premier épisode anxiogène et captivant. Non que l'histoire décolle immédiatement, on a en effet très rapidement compris les enjeux somme toute assez basiques. Non, la grande et très bonne idée de cette série est la présence d'un troisième personnage jamais envahissant mais moteur essentiel et ce à tous les niveaux. L'île de la Réunion n'aura en effet jamais paru aussi sauvage, belle, mystérieuse et dangereuse qu'ici, quitte à la travestir via une photo d'une rare complexité visuelle pour une fiction TV et une bande son à l'évidence ultra travaillée (on apprendra d'ailleurs au détour d'une phrase lâchée par le réal au cours d'une interview que la jungle réunionnaise est particulièrement silencieuse). C'est des « Hauts » (la jungle réunionnaise donc) qu'elle a accouché de Toman (Sami Bouajila extraordinaire de crédibilité), d'abord enfant sauvage portant en lui un choc traumatique originel qui a façonné l'adulte qu'il est devenu. Elle accueille Daphné la journaliste, personnage que Sandrine Bonnaire endosse avec fermeté, qui y trouvera des réponses mais qui bouleversera aussi jusqu'à ses convictions de vie. Les personnages secondaires ne sont pas non plus en reste et prennent formes à leur rythme, dans l'ombre de l'île : l'inspecteur de police aux accents belges (Jan Hammenecker. Pour nous une réelle découverte que l'on retrouvera au cinéma dans Où va la nuit, le nouveau film de Martin Séraphine Provost) qui se sert de méthodes peu orthodoxes (magie, sorcellerie locale) pour faire avancer son enquête. Caro, la jeune fille de sa très jolie voisine qu'elle élève seule, qui lui apprend à lire et à écrire comme un pont symbolique réunissant les deux facettes que l'on pourrait croire antinomique de l'île.

La force de cette série ne tient donc pas uniquement dans ses enjeux scénaristiques qui heureusement s'épaississent dès le deuxième épisode, Toman ne dit-il pas en voix off dès les premières secondes : « Je sais comment tout ça va finir. Je vais me laisser couler », mais bien dans la propension qu'a la mise en scène à nous faire vivre jusque physiquement les choses. On éprouve ainsi le spectateur à coup de grands angles et caméras portées à l'épaule qui vont le déboussoler pour ensuite le cajoler via des plans aériens magnifiques mais in fine tout aussi perturbants. C'est franchement audacieux, voire miraculeux tant la langueur de l'ensemble imprimée par un montage peu rythmé et des partitions musicales obsédantes (l'une d'entre elle rappellant farouchement certaines notes de La planète des singes de Schaffner) auraient pu tout aussi bien plomber une série dont le seul regret tient finalement au fait que cela ne dure que six épisodes montrant par là ce qui nous différencie encore de l'ambition créative anglo-saxonne...

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