Critique : L'Autobiographie de Nicolae Ceauşescu

Sandy Gillet | 13 avril 2011
Sandy Gillet | 13 avril 2011

Andrei Ujica est un cinéaste roumain obsédé par la chute du communisme. On en veut pour preuve ce nouveau documentaire axé sur le règne de Nicolae Ceauşescu, point final d'une trilogie sur la question entamée en 1992 avec Vidéogrammes d'une révolution, autour de la chute de la dictature de Ceausescu (déjà) et Out of the Present en 1995, sur le cosmonaute Sergueï Krikaliov qui est resté 10 mois dans la station spatiale MIR alors que l'URSS volait en éclat. Pour les plus jeunes que l'histoire rebute, il faut savoir que Nicolae Ceauşescu fut l'homme fort du régime communiste roumain à partir de 1965. Élu à la présidence du pays en 1967, il y imprimera très vite un important culte de la personnalité (il fut surnommé « le génie des Carpates »), un réel autoritarisme et une politique ultra-nationaliste. En décembre 1989, il est destitué de son pouvoir après un soulèvement populaire et est condamné avec sa femme Elena à mort lors d'un procès expéditif de 55 minutes dont les images vidéos firent le tour du monde et restent, avec celles de la chute du mur de Berlin, comme les plus emblématiques de la fin du communisme.

Pour autant, Andrei Ujica n'a pas réalisé ici un documentaire. Tout du moins au sens communément admis de la chose. Point de voix off par exemple pour « guider » le spectateur dans la compréhension des images qui défilent devant lui. Pas plus d'une volonté de démontrer à tout prix une théorie historique qui s'appuierait sur des images inédites ou en couleurs (même si de la couleur il y en a un peu). Quant aux images en eux-mêmes, le réalisateur les a exclusivement extraites de kilomètres de pellicule correspondant à des milliers d'heures d'archives et de documents filmés, certains officiels, d'autres plus personnels (notamment des « home movies » de la famille de Ceausescu, en vacances à la mer ou à la montagne) qu'il a méthodiquement visionnés pour en faire un montage de 180 minutes tout rond. L'idée n'est donc pas de prendre par la main le spectateur pour le coup courageux ou aventurier (il faut en effet posséder une solide culture historique pour ne pas perdre pied d'emblée), mais bien de lui présenter quelque chose de nouveau, une sorte d'objet visuel portant le germe d'un genre un peu déviant qui reste à définir.

Le réalisateur affirme qu'il s'agit là d'un film de fiction. Nous on y voit aussi comme une tentative de réponse à la vieille critique qui veut que le documentaire ne peut jamais être tout à fait objectif. Le fait qu'en ne prenant ici que des images qui servaient à la propagande du régime, se dessine en effet en creux l'autobiographie d'un homme d'abord conquérant puis de plus en plus seul et démuni face à des enjeux qui visiblement le dépassaient sur la fin. Après, il n'en demeure pas moins que la démonstration est aride et peu encline à être partagée avec un large public. Ce qui fait toute la limite de ce qui ne devient plus qu'un simple exercice voué à n'être qu'un jalon réflexif, certes nécessaire mais un peu vain, car évoluant en vase clos, pour faire évoluer le genre.

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