Critique : The Hunters

Simon Riaux | 16 février 2011
Simon Riaux | 16 février 2011
Le critique de cinéma, les films, il connaît. Il les classe dans son esprit par catégorie et qualité, parfois par chronologie, mais quelle que soit sa recette personnelle, il s'y retrouve. Jusqu'à ce que ponctuellement, une oeuvre vienne bouleverser ce schéma pourtant bien ordonné. D'ordinaire, il s'agit d'un long-métrage d'une exceptionnelle qualité, d'un film comme on en croise un par génération, qui transcende les genres et l'idée qu'on se fait d'eux. Et des fois, le responsable du cataclysme est une grosse bouse.

The Hunters est à bien des niveaux un cas d'école. Un premier film, de genre qui plus est, accouché dans la douleur inhérente à ce type de projet, a tout pour attirer la sympathie. Sauf que la chose est emballée par Chris Briant, et que monsieur Briant, il faut se le farcir. Non content de s'attribuer le premier rôle de son film anglophone (quand on joue comme un pneu et avec un accent de cafetier Montmartrois, c'est embarrassant), il réalise également cet objet filmique non identifié. Quoi de plus naturel pour ce primo filmant, dont le dossier de presse nous révèle qu'il a accompli l'exploit d'achever ses études de cinéma en deux ans au lieu de trois. La prétention surréaliste du bonhomme irrigue tout le métrage et en ruine systématiquement chaque bonne idée.  Comment prendre au sérieux un type qui a choisi de nommer "Le Saint" le futur vieux beau qu'il interprète ? Par conséquent la moindre apparition du personnage principal provoque une cascade de fous rires, tant on peine à croire à ce vétéran d'Afghanistan, devenu flic (ou quelque chose d'approchant) et pris en chasse par de vilains tueurs. Vous noterez que "vilains tueurs" est une entourloupe réthorique, puisqu'il est question de moustachus pas bien dégourdis, plutôt gentils, et infoutus de massacrer proprement un quidam mégalomane.

Si le film ne souffre pas trop de son économie de moyens, affiche une photographie réussie, ainsi qu'un décor principal original, toutes ces bonnes intentions sont annihilées par un scénario effarant. Le spectateur a la désagréable impression d'assister à l'étalage des fantasmes cinématographiques mal dégrossis d'un adolescent à la puberté problématique. Rien ne nous est épargné : la blonde ineffable, le supérieur gueulard, le méchant sadomaso suceur de têtes coupées, tout y passe. Voir le "Chief of police" hurler comme un mauvais prof d'éducation physique devrait vous tordre les tripes au-delà du raisonnable. Sans compter que le scénario s'enfonce un peu plus profondément dans la bêtise à chaque séquence. Non content de nous bassiner pendant plus de 1H 40 avec la course-poursuite neurasthénique entre le héros et les chasseurs du titre, le film ne manque jamais l'occasion de louper une scène. Voir le héros esquiver les tirs de plusieurs opposants en se cachant derrière un arbre, sans oublier de dialoguer, seuls Éric et Ramzy ont osé, et avec moins d'outrance.

Au bout d'un moment, le spectateur lâche totalement prise, et en viendrait presque à remercier à genoux Chris Briant d'avoir oublié qu'au cinéma, une histoire se terminait par un climax. Les dernières minutes du métrage relèvent d'ailleurs de l'art abstrait, on peut y découvrir Dianna Agron (en période pré-Glee) se démener avec un prétendant en carton, avant qu'un assassin pas bien doué ne la loupe pour se faire tristement allumer par le victorieux Chris Briant. L'invraisemblable lenteur de la séquence contraste merveilleusement avec la mort "bib-bib et le coyote" du grand méchant. Ces quelques minutes sont à elles seules un précis de maladresse cinématographique.

En réalité l'acharnement de The Hunters à rater presque tout ce qu'il entreprend devient proprement hilarant. Ce mélange de prétention et de sabotage inconscient aboutit à un gloubiboulga non-sensique presque appréciable. Quiconque dépassera les quarante premières minutes sans être pris de spasmes ni de convulsions découvrira avec stupeur que le film recèle une folie involontaire et inconsciente tout à fait fascinante. Chris Briant n'a certainement pas réalisé le long-métrage qu'il espérait, mais ce qu'il a commis marquera l'histoire du cinéma bien plus que s'il avait atteint son but.

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