Critique : Harry Brown
Harry Brown (Michael Caine, bouleversant de fureur et de vulnérabilité mêlées) est un militaire à la retraite, qui, devant l'indifférence du système judiciaire face au meurtre de son meilleur ami, va sortir de son mutisme pour punir les coupables. Le scénario, exemplaire de sobriété et de retenue dans la mise en place de son intrigue, se garde bien de désigner des coupables ou des boucs émissaires. C'est le portrait d'une société en déréliction, la nôtre, qu'il dresse sans concession, un système qui a capitulé depuis longtemps devant la paupérisation d'une couche de sa population, se contentant de faire ponctuellement retomber la pression. Dans cet univers délabré, Harry, vigilante sur le retour, n'est pas une solution, l'auto-défense n'apparaît jamais comme l'antidote à la violence quotidienne. Si le vieil homme emporte notre empathie sans mal, il est le symptôme d'un monde malade, certainement pas son anticorps. Non pas qu'il prenne plaisir à exécuter les coupables qui l'entourent, le film dresse simplement ce constat glaçant : la violence, tel un virus, se répand, se reproduit, dans un face-à-face infini avec elle-même.
Le film de Daniel Barber tire de ce constat désespérant une force inattendue, qui atteint le spectateur en plein visage. Contre toute attente, Harry Brown évoque plus souvent le cinéma d'horreur que le polar ou le vigilante flick, à ce titre, l'affrontement du passage souterrain impressionnera durablement votre rétine... Si le film parvient à ne jamais être verbeux ou démonstratif, grâce à plusieurs atouts de poids : des seconds rôles marquants, emmenés par Ben Drew (alias Plan B), chien fou qui contamine tout le métrage de sa rage aveugle, la mise en scène efficace et dénuée de fioritures de Daniel Barber, l'écriture sans fard de Gary Young et la lumière hivernale de Martin Ruhe.
Harry Brown est une première oeuvre remarquable, un conte urbain cruel, un miroir désolant, dans lequel on regarde au risque de se perdre.
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(3.0)