Critique : Le Secret de Chanda

Manon Provost | 30 novembre 2010
Manon Provost | 30 novembre 2010
L'objectif vissé sur l'enfance d'enfants qui n'en ont pas, Olivier Schmitz porte son regard vers l'Afrique du Sud, et plus particulièrement sur un township proche de Johannesburg. Lieu de déni, emmuré dans un silence fait de morts, le village d'Elandsdoorn est le théâtre des non-dits, où le sida prolifère de corps en corps, et où l'homme fait du secret le manquement à son propre respect, l'instrument de sa grande lâcheté. Fléau mortel auquel se greffent la honte et le rejet, le sida grouille. Inavouable et inavoué, il est omniprésent, dissimulé derrière un simulacre, un châtiment nommé Satan.
 
Très vite, le viseur d'Olivier Schmitz se plante dans le regard noir et franc de Chanda, victime d'un lourd secret dont elle ignore la teneur. Indignée par le sort que le village réserve à sa mère Lillian, qui est contrainte à l'exil, la fillette cherche la vérité, finalement résumée en quatre lettres.
A travers le sida et le tabou qui l'entoure, c'est le portrait de Chanda qui se dessine, l'histoire d'une enfance tronquée (comme il en existe tant sur le continent), victime du deuil prématuré et dépossédée de son innocence. Profondeur de champ presque inexistante et cadrage serré, Olivier Schmitz cible son sujet et l'enferme dans une mise en scène frontale. Il tranche pour une proximité avec l'être filmé et impose une direction : la traçabilité d'un cheminement vers la révélation d'un mal présent.

Sans misérabilisme, le film pointe du doigt l'état de crise en Afrique. Le sida est omniprésent et pourtant, personne ne souhaite concevoir cette réalité refoulée. Car c'est la crainte d'être démasqué qui tenaille les malades et les poussent à un exil forcé. S'enfonçant dans l'immensité du désert, les répudiés se cachent pour mourir.
Méticuleux et documenté, Le Secret de Chanda aborde le deuil avec pudeur. Les plans ne s'attardent pas sur la larme naissante et préfèrent la retenue des sentiments. Un choix de mise en scène appréciable tant la teneur émotionnelle du sujet est chargée. Une retenue qui, dans la longueur, a dû mal à se maintenir. L'usage du gros plan larmoyant est parfois trop insistant, mal dosé. Un revirement de position qui tend à desservir le propos, pourtant travaillé. Un léger faux pas qui dénote avec l'authenticité du sujet, mais qui est vite compensé par l'exactitude de certains regards, dont ceux de Khomotso Manyaka (Chanda). Une révélation.
 
Après des années de déni, c'est aujourd'hui l'espoir qui jaillit. Dans un horizon encore menaçant et flou, se dessine, par petites touches, la conviction qu'un cheminement peut se faire. Déboussolé mais combatif, l'enfant projette son regard par la fenêtre, vers cet avenir chaotique qu'il faut pourtant affronter. Le secret de Chanda sonne alors comme une petite piqûre de rappel pour nous qui feignons de penser que la sida est là, impalpable mais brutal.

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