Critique : Création

Tatiana Ducrocq | 16 novembre 2010
Tatiana Ducrocq | 16 novembre 2010

Lorsque Creation est sorti outre-Atlantique, l'an dernier (coïncidant avec le 150ème anniversaire de l'écriture du fameux ouvrage De l'origine des espèces), il eut quelques difficultés à trouver un distributeur. Personne, en effet, ne semblait croire au potentiel commercial d'une biopic sur Charles Darwin au pays du créationnisme roi. Pourtant, le film est loin d'être un documentaire sur le bien-fondé de la théorie de l'évolution. Plutôt que de débattre sur les idées de Darwin, Creation - adapté de la biographie Annie's box, écrite par Randal Keynes, l'arrière-arrière-petit-fils du naturaliste - choisit de s'intéresser à sa psychologie et à ses combats personnels.

Le film nous montre la difficulté pour le scientifique d'écrire son livre, toujours hanté par le souvenir de sa fille Annie, décédée quelques années auparavant. Composé de nombreux flashbacks dévoilant la relation privilégiée qu'il entretenait avec cette dernière, le récit met en scène le malaise psychologique - et même physique - qui assaille Darwin. Démoli, luttant contre le sentiment d'être responsable de la mort de son aînée, il apparaît impuissant face à la dissolution de sa vie familiale. Les retours en arrière marquent ainsi un contraste saisissant entre un passé harmonieux et un présent défait. L'histoire réserve quelques passages sincèrement émouvants sans verser une seconde dans le larmoyant.

Le scénario évoque aussi le déchirement ressenti par Darwin face à ses propres travaux, pris entre la pression de ses pairs pour qu'il les publie et son sentiment de culpabilité envers sa femme, profondément croyante. « Vous avez tué Dieu », lui assène sous forme de compliment l'un de ses collègues. Or cela est justement source de conflit intérieur pour le scientifique. Si la mort de sa fille a fini d'achever les restes de foi chrétienne de sa jeunesse (il envisagea un temps de devenir homme d'église), il se demande toutefois s'il est bon pour la société d'affirmer que Dieu n'a pas de bonté ni de plan établi pour chaque personne. Une scène accélérée d'une grande efficacité, décrivant l'implacable chaîne alimentaire et la dureté de la nature, illustre d'ailleurs remarquablement sa théorie de la loi du plus fort.

Creation se révèle être un biopic des plus pertinents et, malgré la lenteur de son rythme, pas ennuyeux : les prestations tout en finesse de Paul Bettany et Jennifer Connelly, époux à la ville, apportent un vrai supplément d'âme, tandis que le récit particulièrement bien construit propose une réflexion pertinente sur le rôle de l'homme dans la nature, l'équilibre des choses, l'injustice et le deuil, et offre un nouveau regard sur l'un des scientifiques les plus importants et les plus controversés qui soient.

Tatiana Ducrocq

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