Critique : Homme au bain

Melissa Blanco | 19 septembre 2010
Melissa Blanco | 19 septembre 2010

Au départ, il y a l'invitation d'un metteur en scène. Celle de tourner quelques à jours à Gennevilliers, dans l'un des quartiers de la ville, pour un projet de court métrage. Puis, il y a un voyage à New York, filmé en caméra DV, tel un journal intime. Homme au bain, c'est ainsi la réunification de deux projets indépendants autour d'une histoire, en apparence, prétexte, celle d'une rupture entre Omar et Emmanuel. Inscrivant le film au sein d'une filmographie singulière, celle de Christophe Honoré, cinéaste adulé ou détesté, obsédé par la figure de la perte. Dans Homme au bain, le cinéaste construit son film autour du point de vue de deux membres d'un même couple, suite à leur rupture. Celui qui quitte et celui qui est quitté. Apprenant chacun de leur côté à vivre de nouveau sans l'autre. D'un côté, Emmanuel, le quitté, resté dans l'appartement du couple à Gennevilliers le temps du voyage d'Omar. Cherchant dans le sexe et les rencontres d'un soir un peu de réconfort. De l'autre, Omar, parti à New York accompagné Chiara Mastroianni pour la promotion d'un film - l'histoire d'une femme fragile et dépassée par les évènements... en somme Non, ma fille tu n'iras pas danser. S'entichant rapidement de Dustin (Dustin Segura-Suarez), sorte de cover boy ultra sexy. Voilà pour l'histoire... le reste n'étant qu'expérience cinématographique, Christophe Honoré construisant son film autour de matériaux filmiques protéiformes, passant du carnet de voyage à la fiction, voire même à une séquence onirique. Laissant tomber la parole, marque de ses précédents films, au profit du corps, filmé sous toutes ses coutures.

Intitulant son oeuvre Homme au bain en référence à la toile de Gustave Caillebotte, montrant un homme nu sortir du bain, Christophe Honoré se sert ainsi du corps comme fil conducteur de son récit. Jouant du physique de ses acteurs, à commencer par François Sagat. Avant la performance, il y a ainsi la carrure, tout de muscles et de tatouages, donnant presque l'impression d'un plastic boy. Le cinéaste jouant dès lors du contraste entre son physique impressionnant, filmé la plupart du temps nu, à la douceur qu'il dégage. Ne trouvant du réconfort que dans les bras de multiples garçons, ersatz d'Omar. De ce sosie parfait - au point de croire, au départ, à un flash-back - et dont Emmanuel entourera de scotch le visage pour ne garder que la moustache, marque de son amant envolé, à ce petit étudiant, bientôt travesti d'un peignoir léopard appartenant à Omar. Reproduisant le même schéma en ne couchant qu'avec des substituts. De corps, il en est aussi question dans la partie new-yorkaise, Omar tombant sous le charme d'un garçon "ressemblant à Al Pacino". Lui que l'on n'entendra jamais vraiment parler, filmé uniquement telle une jolie poupée. Et tandis que les Two Door Cinema Club chantent "Come back home" - comme un cri du coeur d'Emmanuel -, Christophe Honoré filme la montée du désir de l'autre côté de l'Atlantique, autour de ce garçon fantasmé. Livrant des séquences d'une grande charge érotique, le filmant dans son plus simple appareil, du bain au lit. Donnant à voir, par deux parties distinctes, l'acceptation de la perte à Gennevilliers contre l'ouverture de nouvelles possibilités à New York... avant que la solitude ne rattrape celui qui quitte.

Oeuvre plus exigeante que ses précédentes, de part sa liberté de ton et de formes, Homme au bain se révèle la chronique d'une perte où le sexe sert de monteur au récit. Qu'il soit une sorte d'exutoire ou une marque d'amour, entrant dans l'intimité la plus ténue. Filmant les corps dans leur nudité la plus crue, tels des tableaux vivants. Se jouant de la forme de son récit, n'hésitant pas couper dans la musique afin de créer des instants de silences étouffants, Christophe Honoré livre ainsi une oeuvre emplie d'une liberté salvatrice, s'inscrivant définitivement dans l'héritage de la Nouvelle Vague. Non plus pour son art de la parole - et son hommage quant à la forme - comme dans sa trilogie parisienne, mais par la vivacité de sa mise en scène, débarrassée de toutes règles de narration traditionnelle. On en ressort un peu décontenancé mais profondément hanté par cette chronique sexuelle, passant d'une séance de fessées musclée à une épilation en plein air !

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.5)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire