Critique : Les Runaways

Patrick Antona | 9 septembre 2010
Patrick Antona | 9 septembre 2010

Du sexe, de la drogue et du rock'n'roll tout droit sorti de l'effervescence musicale des années 70, c'est ce que nous donne The Runaways, biopic du groupe éponyme. Premier grand band-rock féminin d'ailleurs ! Mais c'est plus à la vision de l'affranchissement et l'épanouissement de jeunes femmes (la majorité ont 15 ans à leurs débuts) dans un monde exclusivement masculin que nous sommes conviés par la réalisatrice Floria Sigismondi, qui avait auparavant oeuvré dans la photo et  le videoclip. Un désir de liberté par la musique heavy et la "bad attitude" qui ne se fera pas sans souffrance, surtout que toutes ne connaîtront pas la gloire et la célébrité au bout de la route.

Choisissant l'angle de l'étude de caractère au détriment peut être des performances scéniques, Floria Sigismondi s'est focalisée sur trois personnages iconiques : la chanteuse Cherry Currie (Dakota Fanning qui n'en finit pas de se transformer), la guitariste Joan Jett (surprenante Kristen Stewart enfin libérée de la saga Twilight) et leur déviant manager Kim Fowley (ébouriffant Michael Shannon). A travers les personnages féminins, c'est le bouillonnement interne et la confusion d'une génération en perte de repères qui est magnifié, avec une Cherrie Currie représentant le côté glam et provocation alors que Joan Jett est plus mature et à l'esprit plus affuté. Quant à Fowley, il est la parfaite quintessence du manager rock, exhubérant, magouilleur, drogué, mais parfaitement lucide sur les moyens à donner pour que ces protégés réussissent. Avec une première partie axée sur l'élaboration de ce groupe quasi-accidentel et sur les méthodes "trash" auxquelles Fowley les soumet, The Runaways semble réussir ce savant dosage entre chronique adolescente et hagiographie excitante.

Mais après un épisode relatant la délirante tournée au Japon  (et conforme à la réalité dans tous ces excès), la suite de l'aventure se focalise bien trop sur les tensions internes et la déchéance de Cherrie Currie, qui va passer trop vite du stade de leader sexy à celui de toxico. D'ailleurs, l'impact du groupe dans le monde rock est grossièrement éludé (quelques coupures de presse en surimpression en tout et pour tout) et surtout le destin des autres membres du groupe est complètement occulté, en particulier celui de la guitariste Lita Ford qui eut son heure de gloire en solo dans les années 80. Le côté cliché du rôle de Dakota Fanning  ne nous donne  aucune empathie, laissant alors toute envergure à Kirsten Stewart pour lui voler la vedette et s'imposer définitivement comme une des meilleures actrices de sa génération.

De ce déséquilibre né de la mauvaise gestion entre l'ascension et la chute du groupe, des quelques approximations qui gèneront les puristes et de la portion congrue de la musique,  The Runaways échoue à être la bombe rock tant attendue. On trouvera quelques compensations par la manière dont est montrée cette nouvelle forme de féminisme portée par des adolescentes mal dégrossies et surtout dans les performances physiques de Fanning et Stewart, qui laissent passer leurs émotions à fleur de peau avec grand talent. Comme dans cette dernière scène d'échange téléphonique où pointe toute la nostalgie d'un paradis perdu.

 


 

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire