Critique : American psycho
American psycho est un non événement. L'adaptation du livre choc et accessoirement best seller de Bret Easton Ellis est seulement un gentil petit film qui ne dérangera pas grand monde. La déception est donc forcement immense tant le roman est un pur chef d'œuvre, une vision cynique et froide de la décadence des années 80, où seul le fric et l'apparence comptaient. Mais surtout et c'est ça qui avait le plus choqué, l'auteur ne se privait pas pour décrire de la façon la plus gore possible, les différents meurtres perpétrés par son ''héros''. Fasciné, le lecteur était alors sous le choc du réalisme saisissant que constituait le descriptif de ces meurtres.
On se demandait bien comment de tels horreurs allaient pouvoir être adaptées sur le grand écran. Mary Harron et sa scénariste ont eu la très mauvaise idée de mettre en scène la violence hors champ. Si on fait exception d'une scène gore qui rend maladroitement hommage à Massacre à la tronçonneuse (impossible de ne pas sourire tant on frise le ridicule), il n'y a rien de choquant à se mettre sous les yeux. Non pas qu'on aurait aimé un étalage de sang gratuit mais il s'agissait quand même de l'essence du livre. Avec un tel parti pris, la cinéaste a déjà tout faux avant même que la première bobine ne soit achevée, à l'instar du passage du meurtre du clochard.
Le film n'est pourtant pas une catastrophe absolu. Notamment grâce à la justesse dans le choix du rôle principal. Christian Bale
personnifie à merveille Patrick Bateman. Pour tous ceux qui ont lu le livre, il
est difficile d'imaginer désormais quelqu'un d'autre dans le rôle. La bonne
initiative est d'avoir aussi retranscrit le plus possible les longs monologues
du livre en voix off. La première demi-heure est ainsi très réussie. Les mots
de Bret Easton Ellis y sont intégralement mis. Le cynisme des situations, la
singularité du personnage de Bateman sont alors réellement présents sur
l'écran.
Un autre bon point, c'est d'avoir gardé ce qui restera d'ailleurs l'unique
grand moment du film, la scène où les golden boys de Wall Street comparent
entre eux leur carte de visite afin de voir qui a la plus belle. C'est à la
fois drôle, pathétique (car complètement superficiel) et déconnecté des vraies
valeurs de la vie.
Il est par contre impossible de pardonner cette interprétation trop réductrice
du roman lorsqu'à la fin, Mary Harron ose laisser planer plus qu'un doute sur
la nature des agissements de Bateman (rien ne serait réel, tout serait le fruit
de son imagination). Se faisant, la réalisatrice réduit de façon gigantesque
les propos de l'auteur. On lui pardonnerait volontiers s'il ne s'agissait pas
de l'adaptation du livre de Bret Easton Ellis. Livre qui méritait assurément un
autre traitement, comme celui qu'aurait pu lui apporter David Cronenberg,
premier réalisateur intervenu sur le projet. En attendant, nous n'avons que nos
yeux pour pleurer devant cet énorme gâchis.
Lecteurs
(2.8)