Critique : L'Oeuvre au noir

Nicolas Thys | 17 août 2010
Nicolas Thys | 17 août 2010

Lorsque le plus grand cinéaste belge, André Delvaux, rencontre l'une des meilleures auteures francophones, belge d'origine, Marguerite Yourcenar, on ne peut qu'attendre beaucoup de l'œuvre qui en découle. Et L'Oeuvre au noir est une réussite. Réussite du point de vue de l'adaptation puisque Delvaux parvient à supprimer certains passages, à retravailler la structure mais sans dénaturer l'esprit du roman ni le personnage de Zénon. L'ensemble, qui lui fut soumis, plu d'ailleurs à l'écrivaine généralement déçue par les adaptations de ses ouvrages.

Mais surtout réussite cinématographique. Cette histoire, qui se déroule à la Renaissance, au temps étrange de l'obscurantisme et des découvertes, de l'inquisition et de l'alchimie, des états libres et occupés, est un merveilleux hymne à la tolérance et la liberté de penser et d'agir. On assiste au retour aux sources d'un individu déjà âgé, Zénon, grand humaniste, hérétique aux yeux de l'église mais qui n'a d'autre objectif qu'aider autrui, et recherché dans l'Europe entière pour un ouvrage jugé hérétique. Un individu en quête d'une vérité non asservie par l'église qui loin de ne se trouver qu'en paroles, transparait et jaillit dans chaque action et dans chaque plan.

Le film dépeint parfaitement ces ambiances médiévales sans jamais sombrer dans les clichés. Décors et lumières semblent esquisser un tableau de l'époque auquel le cinéaste appose une touche colorée toute particulière. Car, si l'œuvre au noir, dans le vocabulaire de l'alchimie, désigne l'une des trois étapes nécessaires à la réalisation de la Pierre Philosophale, avec l'œuvre au blanc et l'œuvre au rouge, c'est à un jeu entre ces teintes que nous convie André Delvaux. Et, de la dialectique entre le noir et le blanc qui culmine dans certaines séquences rêvées comme l'apparition de la mère de Zénon, ou des moments sombres où le héros change de costume et oscille entre noir et blanc, nait ce plan final où, loin du corps et de l'être une simple tache rouge emplie l'écran.

Si le discours de L'Oeuvre au noir reste d'actualité, sa maitrise formelle en fait également une œuvre d'une réussite inestimable, à découvrir impérativement.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire