Critique : Breathless

Pierre-Loup Docteur | 13 juin 2010
Pierre-Loup Docteur | 13 juin 2010

La caméra de Yang Ik-June suit au plus près Sang-hoon, magistralement interprété par le cinéaste lui-même. Le personnage est un cogneur qui semble dépourvu de toute humanité : dans la séquence d'ouverture à couper le souffle, il intervient pour passer à tabac un homme frappant une femme à terre... avant de s'acharner également sur la victime, à qui il reproche de n'avoir pas su se défendre. Omniprésente, la violence gratuite et excessive est filmée crûment et de façon réaliste. Elle fait partie du quotidien de Sang-hoon qui, alors qu'il était encore enfant, a vu son père battre sa mère jusqu'à entraîner sa mort. Depuis, il est recouvreur de dettes pour un groupe de voyous. Le sanguin Sang-hoon s'est ainsi forgé une carapace : brutal, injurieux et, très souvent, silencieux, il est craint par tous ceux qui partagent sa vie, professionnelle mais aussi privée.

Breathless présente la violence comme un cercle vicieux, les témoins ou victimes devenant à leur tour exécutant, que ce soit les enfants reproduisant les actes de leur père ou l'apprenti de Sang-hoon qui initiera à son tour l'un de ses amis. Le film met également en exergue une perte de repère, une inversion : les pères sont devenus les enfants de leurs enfants. Ils sont vulnérables, dépendants et parfois infantilisés. La démission de la figure paternelle induisant l'explosion de la cellule familiale, c'est ce qui rapproche Sang-hoon de Yeon-hee, une jeune étudiante. Ces deux personnages, pleins de hargne et livrés à eux-mêmes, se font écho et, paradoxalement, leur confrontation amène le film sur des sentiers inattendus.

Si Sang-hoon et Yeon-hee éprouvent la même difficulté à révéler leurs sentiments les plus profonds, ils gagneront tous deux en humanité au contact de l'autre. Des moments de tendresse, en rupture avec la brutalité du film, rendent ces personnages attachants : dans de magnifiques scènes filmées avec beaucoup de pudeur, Sang-hoon et Yeon-hee apparaissent sous un jour nouveau, plus fragiles et sensibles. Leurs tentatives de socialisation (Sang-hoon se rapprochera de son neveu, achètera un téléphone portable...) constituent les plus beaux moments de Breathless. Une nuit, l'impassible Sang-hoon ira jusqu'à pleurer, la tête posée sur les genoux de Yeon-hee. La séquence est à l'image du film : sublime.

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