Critique : Femmes du Caire

Pierre-Loup Docteur | 13 juin 2010
Pierre-Loup Docteur | 13 juin 2010

Il n'y a d'abord qu'une seule femme, Hebba, qui vit dans un appartement design du Caire avec Karim. Elle anime tous les jours une émission télévisée dont le ton très critique vis-à-vis du gouvernement en fonction risque de nuire à son mari, qui espère être nommé rédacteur en chef du journal pour lequel il travaille. Hebba, femme forte, libre ( ?) et indépendante, va donc accepter d'aborder des sujets en apparence plus futiles. Elle rencontrera sur son plateau d'autres femmes qui lui raconteront leurs expériences amoureuses. Via son émission, Hebba donne la parole à des anonymes qui d'ordinaire ne l'ont pas et permet Yousry Nasrallah de dresser de magnifiques portraits de femmes. Femmes du Caire rappelle ainsi Volver d'Almodovar par sa volonté de présenter des personnages luttant comme leur oppression, comme par son utilisation du talk-show comme lieu de confession.

Les faits divers exposés dans l'émission d'Hebba se chargeront progressivement de revendications politiques : derrière l'apparente légèreté des témoignages se cache un profond malaise traversant différentes couches sociales. Yousry Nasrallah enchaîne trois petites histoires, narrées à la manière de contes. On y voit une femme refusant les conditions de vie (dont, entre autres, le port du voile) que veut lui imposer son futur époux, trois sœurs se révoltant contre leur amant commun (soit, au passage, un manifeste contre la polygamie) et une dentiste se rendant compte qu'elle a été manipulée par le ministre qu'elle aimait.

Le film ne souffre jamais de la répétition d'un même dispositif : le flashback qui, contrairement à la prise de parole à la télévision, n'implique pas le voyeurisme du spectateur mais permet des portraits bien plus nuancés. S'il est évident que les hommes n'ont pas le beau rôle dans Femmes du Caire, le regard que porte le cinéaste sur ses personnages féminins a le mérite d'être bien plus nuancé. La cause qu'elles défendent directement ou non (refuser des injustices et des oppressions quotidiennes) a beau être noble, elle les conduit à des actes d'une incroyable violence. Au sein d'une séquence, Yousry Nasrallah peut amuser (lors des rendez-vous secrets des trois sœurs, du repas entre la première femme et son prétendant) puis, soudainement, tétaniser (lors d'un meurtre particulièrement sadique). Ces ruptures de ton ainsi que de nombreuses scènes fortes (un avortement, une manifestante encerclée de CRS...) font ressurgir le discours politique que véhicule ce mélodrame brillamment construit et réalisé.

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