Critique : Tirez sur le pianiste

Pierre-Loup Docteur | 26 avril 2010
Pierre-Loup Docteur | 26 avril 2010

Après Les 400 coups, jugé trop français de la part d'un cinéaste qui dans ses critiques encensait le Fritz Lang, Howard Hawks ou Orson Welles, François Truffaut surprend en changeant de source d'inspiration, scénaristique puisqu'il adapte un roman policier de David Goodis après un film en partie autobiographique, et cinématographique puisqu'il s'inspire beaucoup du film noir américain. Tirez sur le pianiste s'ouvre sur une scène de poursuite, où l'éclairage comme l'apparence des deux gangsters rappelle les classique hawksien. Pourtant, très vite Truffaut se focalise sur un autre personnage,  Charlie, pianiste à succès jouant dans un petit bar depuis la mort de sa femme, et dépasse ainsi le simple exercice de style « à la manière de ». Mieux : il détourne les codes du genre pour inventer la tonalité de son film, qui est à la fois film de gangster, comédie burlesque (la conversation à propos des femmes avec les deux gangsters dans la voiture) et drame sentimental. Tirez sur le pianiste trouve sa singularité dans cet habile détournement et réappropriation des genres.

Pourtant, François Truffaut réalise un film malheureux et pessimiste, porté par Charles Aznavour, dans un jeu renfermé traduisant la solitude et le mal être de son personnage. Charlie Kohler oublie sa carrière prometteuse de pianiste, change d'identité suite à la défenestration de sa femme. Et, alors qu'avec Lena il semble reprendre goût à la vie, celle-ci est tuée lors de la très belle séquence dans la neige. En intégrant un long flash-back, Tirez sur le pianiste répète la même histoire, avec la même fin tragique : Charlie (et, plus généralement, toutes les figures masculines du film) ne profitera jamais d'un bonheur conjugal. Si Tirez sur le pianiste n'est pas le film le plus réussi de François Truffaut, il est le premier à faire preuve de tant de créativité dans sa réalisation, et, surtout, à décrire un motif qui sera récurrent dans l'œuvre de Truffaut : la femme comme source de désir et de chagrin.

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