Critique : La Campagne de Cicéron

Nicolas Thys | 19 avril 2010
Nicolas Thys | 19 avril 2010

La Campagne de Cicéron est un film à part dans le cinéma français. D'abord parce que réalisé par un homme aujourd'hui oublié, Jacques Davilla, auteur de 3 longs-métrages invisibles et décédé peu après la sortie du film d'une part. Ensuite parce que l'œuvre n'a qu'une vingtaine d'années mais qu'elle était déjà considérée comme disparue avant d'être retrouvée et restaurée par la Cinémathèque de Toulouse. Pourtant ce film méconnu fût à sa sortie très bien accueillie, en particulier par un Eric Rohmer qui l'encensa dans une lettre publiée par les Cahiers du cinéma.

Etonnant ? Pas vraiment. Ce film a des allures Rohmeriennes. Une forme minimaliste, énormément de plans fixes. Des décors colorés et épurés, souvent marqués par quelques toiles modernes : monochromes, Klimt, etc. ou quelques tâches de couleurs vives. Une mise en scène simple, qui joue beaucoup sur la profondeur et le cadre. Des acteurs qui semblent réciter un texte trop écrit. Et surtout l'ambiance générale : il ne se passe rien.

Et c'est bien là le problème. A l'exception de quelques moments merveilleux, il ne se passe rien, ce qui ne serait pas gênant si l'auteur le proclamait mais, et là est toute l'hypocrisie, on cherche à nous faire croire le contraire. On observe juste des individus communs qui cachent leur banalité et leur vide existentiel par une douce folie apparente et une semi-vulgarité dans leur propos. Mais non, il ne suffit pas que quelqu'un se prenne pour un dieu ou qu'on parle de caca pour provoquer ou pour qu'un semblant d'histoire se déploie.

Il ne reste finalement, sous forme d'un assemblage de tableaux filmés, qu'un simple mais néanmoins joli portraits d'idiots dans une campagne profonde, de leur départ de Paris à un final beau à défaut d'être dur comme il le désirerait. Pour suivre ces êtres mal dans leur peau, dans leurs amours et dans leur métier, le réalisateur a choisi un fil conducteur : un homme qui, lui, va afficher son insignifiance totale et l'affirmer. Evidemment sa perte sera inéluctable, rappelant à tous les autres le néant de leur vie. Cet homme ne sert qu'à ça : s'effacer totalement pour laisser ces êtres grotesques jouer leur rôle au maximum en les observant depuis sa tour de fadeur absolue.

Miroir de la vie, ce film aux quelques moments poétiques adorables laisse bien souvent de marbre quand il n'ennuie pas.

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