Critique : La Prima linea

Si l'Italie des années de plomb nourrit encore de nombreux films, Renato de Maria préfère à l'habituelle grande fresque historique une approche plus intimiste et réaliste. Ce choix ne peut que servir son sujet, puisque La Prima linea se focalise sur cette organisation du même nom, moins médiatisée que les Brigades Rouges. C'est caméra à l'épaule que Renato de Maria filme les souvenirs de Sergio Segio, l'un des fondateurs de ce mouvement politique qui basculera dans le terrorisme. Le réalisateur opte ainsi pour une approche réaliste de son sujet, et refuse de glorifier ou de s'apitoyer sur ses personnages. La Prima linea peut paraître austère mais fait de sa constante sobriété son principal intérêt.

Il n'est en fait question que d'échecs, qu'ils soient politiques ou personnels. La construction en flashbacks, donnant à Segio l'opportunité de prendre du recul sur ses actes qu'il commente et critique depuis sa cellule de prison, annonce ainsi d'emblée la désillusion. L'Histoire de l'Italie se mêle à l'histoire d'amour entre Sergio et Susanna : outre la remise en question (puis l'abandon) de convictions politiques utopiques, c'est l'impossibilité de cette liaison qui est décrite dans La Prima linea. L'engagement nuira à cette idylle, alors qu'un meurtre la condamnera définitivement. Impeccablement mis en scène, cet assassinat marque un point de non-retour dans le récit puisqu'il hantera éternellement le héros (?) repenti.

Renato de Maria évite constamment le pathos et porte un regard sur une période de l'histoire italienne. Il est pour cela bien aidé par le jeu tout en nuance et en retenue de ses deux interprètes principaux. Riccardo Scarmacio trouve ici son rôle le plus intéressant alors qu'un simple regard de Giovanna Mezzogiorno suffit à donner à une scène une certaine intensité. Déjà remarquable chez Bellocchio, elle confirme dans La Prima linea qu'elle est l'une des plus grandes actrices italiennes d'aujourd'hui.