Critique : L'Encerclement

Thomas Messias | 6 avril 2010
Thomas Messias | 6 avril 2010

Un documentaire canadien de 2h40 sur le néolibéralisme, ça vous dit ? Non ? Vous avez tort. Car s'il est un film qui peut donner envie aux béotiens de s'intéresser à de telles thématiques, c'est bien celui de Richard Brouillette, qui s'inscrit dans une dynamique pédagogique mais pas didactique. L'encerclement raconte, en détail et sans détour, comment les grandes puissances sont parvenues à faire croire à l'ensemble de la société que le libéralisme et le capitalisme étaient ce dont nous avions forcément besoin, le seul moyen d'assurer la pérennité du monde. Le propos aurait pu être assommant, mais Brouillette sait y faire pour passionner les plus idiots d'entre nous.


La réussite du film tient à une poignée de partis pris qui pourraient sembler anodins mais qui font réellement la différence. Il y a d'abord ce chapitrage très détaillé, presque haché, qui pose des titres simples pour amener des idées parfois complexes. Résultat : on aura beau ne pas saisir une idée ou l'autre, décrocher légèrement du raisonnement en trois étapes mené par tel ou tel intervenant, Brouillette parvient sans cesse à nous raccrocher au wagon dès le chapitre suivant, qui s'appuie certes sur ce qui précède mais le fait avec simplicité, sans nous enfoncer la tête dans l'eau. On ne sort pas nécessairement du film plus futé, ou alors juste un peu, mais L'encerclement aura au moins réussi à nous donner l'impression d'être à peu près intelligents pendant ces cent soixante minutes.


Autre idée simplissime mais qui montre à la fois la modestie du réalisateur et son désir de ne pas influencer le spectateur outre mesure : de l'économiste le plus réputé au professeur de sciences de l'éducation, les spécialistes interrogés ne sont jamais présentés par leur nom ou leur statut. Ce qui évite de se sentir écrasé par des références (« ah, c'est lui Noam Chomsky, pour être si connu il doit avoir raison ») et permet de se sentir l'égal de ces débatteurs, qui font généralement preuve d'une grande humilité dans leurs interventions. À tel point qu'on a globalement l'impression d'aller prendre un pot avec un prof d'université qu'on aime bien, et qui nous expliquerait autour d'un café ou d'un demi la façon dont il envisage le monde néolibéral. Juste par plaisir et pas pour nous préparer à un quelconque examen.


Il y a beaucoup d'informations à mémoriser, et sans doute beaucoup trop pour un seul visionnage, mais L'encerclement donne en tout cas envie de réfléchir par soi-même ou pour soi-même, d'ouvrir des livres et des journaux et de les lire vraiment au lieu de faire semblant, d'aller farfouiller du côté de la théorie de la main invisible pour vérifier que c'est une mauvaise chose, de s'intéresser de près à la théorie du capital humain de Gary Baker, de rapprocher le néolibéralisme du néocolonialisme, de se dire que décidément, la loi de l'offre et la demande ne tient pas de bout... Le film de Brouillette ouvre tout un tas de pistes de réflexion pour qui daigne se focaliser un minimum sur un sujet potentiellement effrayant mais qui a tout pour nous aider à devenir des citoyens moins cons.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire