Critique : Henry

Thomas Messias | 3 avril 2010
Thomas Messias | 3 avril 2010

Sans doute inspiré (hum) par le succès grandissant de ses compères Kervern et Delépine, Kafka - alias Francis Kuntz, qui retrouve son vieux pseudonyme de dessinateur de BD - s'est dit que lui aussi pouvait sans doute faire son film. "Faire son film" : une expression atrocement significative, qui semble indiquer que chacun a droit à son moment d'expression cinématographique, indépendamment de toute notion de talent ou d'à propos. Jean-Marie Bigard, BHL, Patrick Sébastien, Alexandre Jardin et tant d'autres ont cru un temps pouvoir se dire réalisateurs parce qu'ils arrivaient à faire marrer les gens le samedi soir ou à leur vendre quelques bouquins. Alors pourquoi pas Kafka - même avec tout le meilleur second degré du monde, difficile d'accepter que le patronyme de l'auteur du Procès soit repris par Kuntz.


Oui, pourquoi pas : c'est si simple de faire son film. Il suffit de poser la caméra au milieu de n'importe quelle pièce et de se filmer en train de proférer quelques horreurs anti-conformistes, racistes, misogynes ou juste idiotes. Et si les gens ne rient pas, c'est que ce sont des cons, des coincés, des saloperies de gens de droite qui n'ont aucun recul sur leur propre condition. Le mépris de Henry, personnage principal forcément interprété par Kafkuntz - voilà un juste milieu satisfaisant -, semble rejaillir de tout le film et irradier un spectateur rapidement exaspéré par ce qui se trame à l'écran. Qu'on apprécie ou non l'humour façon Groland, qu'on soit choqué ou non par les sketches répétitifs mais parfois bien vus que ce type à la mine patibulaire distille chaque samedi soir, il est strictement impossible d'apprécier une seule seconde cet Henry ne ressemblant même pas à un brouillon de film. Mais peut-être à un catalogue de sujets pouvant éventuellement choquer, au même titre qu'une bonne blague sur les noirs en fin de banquet ou qu'un pet lâché dans un bus bondé.


Ce qui pourrait - presque - sauver le film, c'est la certitude absolue qui se lit sur le visage de Kafkuntz, persuadé de part en part d'être le co-réalisateur - il fallait bien quatre mains pour pondre un truc pareil - et le moteur principal d'un nouveau Dupont Lajoie, une nouvelle oeuvre sur la médiocrité à la française et les facettes les plus méprisables de la personne humaine. Jamais drôle, pas méchant étant donné qu'il donne dans une provocation facile et absolument gratuite, Henry n'est pourtant rien de plus qu'un chemin de croix consternant de médiocrité. Il n'est même pas question d'art ici, ni même de divertissement, et l'on en vient à se poser la fameuse question forcément poujadiste qui revient régulièrement dans toutes les mauvaises discussions sur le cinéma : « mais qui peut bien donner du fric pour financer un truc pareil ? ». Qu'on se rassure, le film n'a pas dû coûter grand chose, la présence de Bruno Lochet ou Lucien Jean-Baptiste - seuls rescapés de ce naufrage général - ayant certainement été négociée à prix d'ami. On espère au moins qu'ils se sont amusés sur le tournage.

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