Critique : Les Désemparés

Nicolas Thys | 24 mars 2010
Nicolas Thys | 24 mars 2010

La période américaine de Max Ophüls aura duré à peine 3 ans, le temps pour lui de faire 4 films et de revenir dans son Europe natale terminer sa carrière. Parmi ces 4 films, un chef d'oeuvre unanimement reconnu comme tel : La Lettre d'une inconnue, mélodrame profond et inoubliable, et d'autres oeuvres moins célèbres mais tout aussi intéressantes dont Les Désemparés.

A la fois drame familial et film noir, Les Désemparés ne ressemblent pas aux autres films d'Ophüls et il se situe à la frontière entre ces deux genres importants sur lesquels il ne va cesser de jouer en évitant nombre de clichés comme les romances habituelles entre les héros, souvent inutiles et mélodramatiques. Seule l'adolescente vaguement rebelle à l'origine du drame initial est caricaturale mais son personnage passe vite au second plan pour laisser la part belle à Joan Bennett en mère doublement salvatrice et à James Mason, parfait dans son rôle de maître-chanteur en pleine rédemption.

Pourtant, ici rien n'est réellement comme dans un film noir habituel à l'exception du noir et blanc intense et très marqué et de l'intrigue faussement criminelle. Faussement car le crime n'en est pas un : tout ne repose en fait que sur un accident et un coup parti qui n'aurait dû qu'assommer la victime. Et finalement ni le chantage ni le départ en barque n'ont vraiment lieu d'être si ce n'est la peur d'être accusé d'un crime non commis. De même la famille n'est pas représentative de la famille idéale américaine souvent montrée : le père est absent, toujours en voyage, mais le couple n'est nullement en crise. L'épouse est aimante et le mensonge n'a lieu que pour se protéger.

Et, au final, tout n'est qu'apparence et se joue autour d'une réalité qu'on cherche à cacher et ce que les autres croient percevoir. Du mensonge protecteur nait une excroissance honteuse qui n'existe que dans le regard de ceux qui les entoure. C'est là que se joue le drame de l'histoire, dans les regards, et la bulle impossible que doivent se créer Mason et Bennett pris dans des histoires criminelles et familiales sur lesquels ils n'ont plus vraiment prises. Pourtant, aucun nouveau couple ne se formera et la relation de Mason et Bennett, si elle peut prêter à confusion pour ceux qui les voient ensemble, ne sera que « professionnelle » puis amicale ne pouvant déboucher sur autre chose d'autant que le rapport dominant/dominé s'inversera très vite.

C'est dans cette mise en scène de l'entre deux et du mensonges que réside la beauté de ce film dans lequel, une fois encore chez Ophüls les décors et principalement les escaliers ont une importance fondamentale. Les Désemparés, qui bénéficie d'une titre français intéressant, est une oeuvre à découvrir.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire