Critique : La Pivellina

Thomas Messias | 16 février 2010
Thomas Messias | 16 février 2010

Pour leur premier long-métrage de fiction après plusieurs documentaires réalisés ensemble, l'Italienne Tizza Covi et l'Autrichien Rainer Frimmel ont choisi de rester en prise directe avec le genre qui était jusqu'alors le leur. Chaque "acteur" joue ici son propre rôle, chaque scène est marquée du sceau de l'imprévu, et l'intrigue est ici réduite à sa plus simple expression. Soit le quotidien d'un couple de gens du cirque qui recueillent une petite fille (pivellina) de 2 ans abandonnée par sa mère dans un parc et décident de la garder et de la chérir. Le récit connaîtra bien une ou deux avancées, mais il ne s'agit là que de camper par très petites touches l'accueil réservé à la gamine et la quête paisible du bonheur menée par ces personnages relativement âgés.


Caravanes, terrains vagues et petites misères : tout ici semble fait pour faire fuir à grandes enjambées les détracteurs du cinéma des Dardenne, Loach et Mendoza. Mais voilà : La pivellina n'a absolument pas l'ambition de nourrir une énième dissection sociale d'une bande de marginaux sans le sou. Parce qu'ils savent toujours trouver la bonne distance vis-à-vis des personnages, Covi et Frimmel évitent élégamment deux écueils : la compassion pleurnicharde et la froideur sociologique. De part en part, on est à la même hauteur que ces gens chez lesquels on se sent immédiatement adopté. Le film n'est jamais dans le jugement : il n'oublie jamais qu'il vaut mieux montrer plutôt que démontrer. Même le choix des héros de garder une enfant qui ne leur appartient pas n'est jamais soumis à notre évaluation. Chacun peut se faire son opinion pendant ou après le film ; la question n'est même pas là.


S'il est aussi facile d'accepter ce refus régulier de se choisir une problématique, c'est parce que le film adopte aveuglément et passionnément le point de vue de ses personnages, des êtres fondamentalement bons qui ne vivent que dans l'instant présent. Parce que leur absence de moyens les y contraint, et parce que c'est (devenu ?) leur conception du bonheur. Sans peur du lendemain, sans espoir non plus, ils apprécient d'autant plus naturellement les moments de grâce qui s'offrent à eux. S'improviser moniteur d'auto-école. Lancer des couteaux. Apprendre à manger toute seule. Si cette simplicité touche au coeur, c'est parce que les petites touches déjà évoquées plus haut sont restituées par de longs et beaux plans-séquences qui laissent la vérité s'installer dans l'action. On y croit, on y est, on aime ces gens et ce qu'ils font. La pivellina, c'est la victoire du naturel sur toute forme de calcul. Et donc un grand petit film.

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