Critique : L'Autre Dumas
D'un côté, Alexandre Dumas, auteur réputé, fantasque et truculent - et quarteron, mais ça ne se voit pas dans le film - ; de l'autre, Auguste Maquet, collaborateur d'écriture fidèle et réservé, une sorte d'auteur adjoint mais sûrement pas un nègre. Le premier est talentueux et le second besogneux. Devinez lequel est épanoui et lequel est frustré ? L'autre Dumas entend montrer à quel point la célébrité peut altérer une relation et favoriser l'épanouissement de celui qui la possède... ainsi que le rabougrissement progressif de l'homme de l'ombre, qui cache sa rancoeur et en devient d'autant plus aigri.
Le postulat est passionnant, le
résultat beaucoup moins. Les rapports complexes qui lient les deux
hommes donnent lieu, sous l'oeil de Safy Nebbou, à une sorte de buddy
movie pathétique, avec le gros frisé qui fait le malin et le chétif
malade en mer et guère plus en forme sur la terre ferme. En totale roue
libre, Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde accentuent encore
davantage les excès de leurs personnages. Le choix des deux acteurs est
d'ailleurs révélateur du manque absolu de prise de risques qui
caractérise le film : trop évidents, trop calibrés, ces deux bêtes de
cinéma n'apportent aucune singularité à un univers qui en aurait eu
besoin.
D'un point de vue pédagogique, L'autre Dumas
est relativement instructif, notamment par les quelques scènes
décrivant la façon dont les deux hommes écrivent à quatre mains, l'un
bâtissant la structure et l'autre apportant le rythme et le style.
Malheureusement, les deux premiers tiers du film sont avant tout le
théâtre d'un gigantesque quiproquo dans lequel Maquet est pris pour
Dumas par une fille dont il vient de tomber amoureux. le malentendu
dure, s'étend, mais n'a pour ainsi dire pas grand intérêt. On trépigne
devant ce beau sujet tellement gâché, réalisé de façon appliquée mais
pas loin d'être académique, avec l'impression de n'entrer dans le vif
du sujet qu'au bout d'une heure de long-métrage.
Une fois dissipé
l'argument de théâtre de boulevard - dont on ne conteste évidemment pas
la véracité -, Nebbou se penche enfin sur la relation extrêmement
tendue entre un Maquet avide d'amour et de reconnaissance et un Dumas
de plus en plus virulent mais aussi de plus en plus perdu, se sentant
incapable de poursuivre seul son fameux Vicomte de Bragelonne.
Si le traitement était moins plat, on serait volontiers reparti pour
une heure, oubliant l'ennuyeux imbroglio du début, trop encombrant et
pas franchement transcendant. Le réalisateur de L'empreinte de l'ange - devenu L'empreinte
par décision de justice - semble, après trois films, toujours incapable
de trouver un peu de consistance. Il serait temps de s'y mettre.
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