Critique : L'Autre Dumas

Thomas Messias | 12 février 2010
Thomas Messias | 12 février 2010

D'un côté, Alexandre Dumas, auteur réputé, fantasque et truculent - et quarteron, mais ça ne se voit pas dans le film - ; de l'autre, Auguste Maquet, collaborateur d'écriture fidèle et réservé, une sorte d'auteur adjoint mais sûrement pas un nègre. Le premier est talentueux et le second besogneux. Devinez lequel est épanoui et lequel est frustré ? L'autre Dumas entend montrer à quel point la célébrité peut altérer une relation et favoriser l'épanouissement de celui qui la possède... ainsi que le rabougrissement progressif de l'homme de l'ombre, qui cache sa rancoeur et en devient d'autant plus aigri.


Le postulat est passionnant, le résultat beaucoup moins. Les rapports complexes qui lient les deux hommes donnent lieu, sous l'oeil de Safy Nebbou, à une sorte de buddy movie pathétique, avec le gros frisé qui fait le malin et le chétif malade en mer et guère plus en forme sur la terre ferme. En totale roue libre, Gérard Depardieu et Benoît Poelvoorde accentuent encore davantage les excès de leurs personnages. Le choix des deux acteurs est d'ailleurs révélateur du manque absolu de prise de risques qui caractérise le film : trop évidents, trop calibrés, ces deux bêtes de cinéma n'apportent aucune singularité à un univers qui en aurait eu besoin.


D'un point de vue pédagogique, L'autre Dumas est relativement instructif, notamment par les quelques scènes décrivant la façon dont les deux hommes écrivent à quatre mains, l'un bâtissant la structure et l'autre apportant le rythme et le style. Malheureusement, les deux premiers tiers du film sont avant tout le théâtre d'un gigantesque quiproquo dans lequel Maquet est pris pour Dumas par une fille dont il vient de tomber amoureux. le malentendu dure, s'étend, mais n'a pour ainsi dire pas grand intérêt. On trépigne devant ce beau sujet tellement gâché, réalisé de façon appliquée mais pas loin d'être académique, avec l'impression de n'entrer dans le vif du sujet qu'au bout d'une heure de long-métrage.


Une fois dissipé l'argument de théâtre de boulevard - dont on ne conteste évidemment pas la véracité -, Nebbou se penche enfin sur la relation extrêmement tendue entre un Maquet avide d'amour et de reconnaissance et un Dumas de plus en plus virulent mais aussi de plus en plus perdu, se sentant incapable de poursuivre seul son fameux Vicomte de Bragelonne. Si le traitement était moins plat, on serait volontiers reparti pour une heure, oubliant l'ennuyeux imbroglio du début, trop encombrant et pas franchement transcendant. Le réalisateur de L'empreinte de l'ange - devenu L'empreinte par décision de justice - semble, après trois films, toujours incapable de trouver un peu de consistance. Il serait temps de s'y mettre.

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