Critique : Nocturnes pour le roi de Rome

Thomas Messias | 10 janvier 2010
Thomas Messias | 10 janvier 2010

L'époque où les films tournés avec un téléphone portable avaient un intérêt est désormais révolue : les mini-caméras des appareils d'aujourd'hui sont trop perfectionnés, trop parfaits pour que le style visuel des images produite ne ressemble à rien de connu. Tourné en 2005 avec un mobile apparemment bien pourri, Nocturnes pour le roi de Rome possède le charme des films super-8, la dimension pixel en plus. Jean-Charles Fitoussi - voyez-donc le génial Les jours où je n'existe pas - déambule dans la capitale italienne, en capte quelques scènes apparemment anodines, et en offre un montage magnétique en diable, sur lequel sont apposées une voix off et de grands airs classiques.


Pour faire court et simple, Nocturnes pour le roi de Rome retrace la fin de vie d'un compositeur allemand qui revient à Rome après avoir renoncé à composer les huit nocturnes que le roi lui avait commandées. Se greffe à cela le souvenir d'une femme disparue mais toujours présente, au moins en filigrane. C'est par bribes que se compose et se décompose le portrait de cet homme lessivé, conscient d'être arrivé au terme d'une existence aussi remplie que frustrante. On ne le verra jamais à l'écran, contrairement à cette femme pour laquelle il nourrit bien des regrets. L'image est passionnante, impossible à lâcher, tant elle est accidentée, chaotique, granuleuse, a fortiori lorsque Fitoussi tourne en pleine nuit. Au ballet des automobiles dont on ne voit que les phares succède celui des serveurs d'une grande réception, dans une frénésie existentielle absolument palpitante. Et pas de migraine ophtalmique qui tienne : Nocturnes pour le roi de Rome dure à peine plus d'une heure et fait preuve d'une certaine délicatesse dans le mouvement. Pas de danger d'attraper la nausée.


Ce qui frappe également dans le film, c'est le décalage permanent qui s'opère entre la modernité rudimentaire de la réalisation et le classicisme sophistiqué de l'environnement musical. Les symphonies de Bach, Haydn et quelques autres côtoient également des extraits musicaux issus de Dead man et Star wars. Le tout permet au film d'aller bien au-delà du simple défi technique, ce qui devrait éviter les commentaires du genre « donne-moi un Nokia 3210 et je fais pareil ». Car Fitoussi est un artiste, un vrai, qui se permet en outre d'adresser un pied de nez au monde de l'art : alors pensionnaire de la vertueuse villa Medicis, il se permet de tourner le film le plus fauché de l'histoire... Mais la beauté de Nocturnes pour le roi de Rome va heureusement bien au-delà de cette petite ironie.

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