Critique : Une vie toute neuve
Une vie toute neuve, c'est l'éternelle histoire d'une petite fille plantée là par un père trop miséreux pour l'assumer, et contrainte de vivre ses jeunes années comme l'orpheline qu'elle n'est pas. Le sujet n'est absolument pas neuf, mais ce qui tend à le différencier des autres est l'évidente part autobiographique qui cerne le premier film d'Ounie Lecomte. Nul besoin de connaître la réalisatrice ou son histoire pour saisir à quel point l'oeuvre naît d'un besoin de se raconter, de se livrer corps et âme avant de passer éventuellement à des réalisations plus éloignées de sa réalité. Cela transparaît de façon criante de par la façon dont la réalisatrice épouse littéralement le regard noir et dur de la jeune Jinhee, icône tragique malgré elle.
La petite fille occupe tout
l'écran, tous les plans, tout le film. Il n'y a qu'elle, et c'est à la
fois la force et la faiblesse d'Une vie toute neuve : la fascination de la réalisatrice pour une héroïne qui est également son double finit par avoir quelque chose de too much
tant on semble parfois atteindre des sommets de nombrilisme. Le
témoignage est accrocheur, mais la façon qu'a Ounie Lecomte de nous
tirer par le bras pour nous forcer à la plaindre finit par devenir
assez désagréable. Bien trop planplan, la mise en scène oublie
totalement de s'ouvrir au monde et aux autres personnages, rendant au
final le portrait un peu vain et complaisant.
Paradoxalement, c'est
lorsque Jinhee va le plus loin dans la noirceur que le film semble le
plus sincère : il se produit enfin quelque chose de pas feint, le
script dépassant alors la simple "histoire vécue" pour produire certes
très tardivement un peu de vrai cinéma. On reste sans voix devant cette
scène où la fillette décide d'affronter la mort en s'enterrant vivante.
La détermination qui se lit alors dans les yeux de la jeune interprète
a de quoi déchirer l'âme. Cette seule scène domine très largement un
film qui n'exploite pas suffisamment le caractère totalement dépressif
de son héroïne et préfère plonger régulièrement la tête la première
dans un bain de conventions. La conclusion en forme de note d'espoir
n'est pas trop chargée en pathos, mais tend à annihiler la rugosité
emmagasinée çà et là par un film ressemblant trop à une thérapie
personnelle.
Lecteurs
(0.0)