Critique : Un conte finlandais
Combien connaît-on de réalisateurs finlandais actuels ? En creusant un peu, on trouve Antti-Jussi Annila, auteur d'un Sauna qui ravit les festivals mais n'a pas atteint les salles françaises. À part ça, il y a les Kaurismäki. Oui, les Kaurismäki : car derrière Aki, cinéaste taciturne prisé pour son humour à froid, se cache Mika, son frère aîné, moins connu mais très actif depuis une bonne vingtaine d'années. Après quelques documentaires musicaux, le voici de retour aux commandes d'une fiction, le très mal nommé Un conte finlandais. Soit l'histoire de trois quinquas qui picolent et tentent de refaire le monde pour oublier que leurs vies ne ressemblent pas à ce dont ils rêvaient. Alcool et désillusions : tout ce qu'on attend d'un film finlandais. Heureusement, car c'est à peu près tout.
Après avoir
sommairement présenté les trois anti-héros et leurs atermoiements,
Kaurismäki les plante dans un bar-karaoké désert - veille de Noël
oblige - qui sera le théâtre de leurs confessions et de leurs
règlements de compte. Le premier quart d'heure passé, on se retrouve
donc dans un huis clos au décor pathétique, digne d'une cafeteria
d'autoroute. Premier acte : honteux de leurs conditions respectives,
les trois amis boivent des coups et parlent de la pluie et du beau
temps, sans aborder les sujets qui fâchent. Deuxième acte : ils se
jurent de se raconter la vérité, rien que la vérité, toute la vérité...
mais l'irruption d'une belle inconnue risque de bouleverser leurs
plans. C'est tout le principe du film : montrer que les aléas de
l'existence nous contraignent généralement à repousser l'instant
fatidique où il faudra enfin être sincère et se livrer sans fard... La
démonstration est concluante, mais fait d'Un conte finlandais
un film frustrant et un peu vide, les protagonistes passant leur temps
à se tourner autour sans jamais vraiment se rentrer dans le lard.
On
aurait pu espérer que l'alcool pousse enfin les trois hommes à se
cracher leurs rancœurs au visage, à exprimer leur détresse et à tenter
d'aller plus loin. Mais le finlandais a visiblement le foie trop
entraîné pour qu'un déferlement de verres bien remplis suffise à briser
la glace et à faire fondre la pudeur ambiante. On n'ira donc pas
au-delà des quelques révélations d'usage, les personnages finissant par
se dire ce qu'ils ont à se dire sans que cela ait une quelconque
conséquence. L'impression d'ensemble n'est pas désagréable, mais
Kaurismäki ne parvient pas vraiment à nous emmener là où il le
voudrait, dans cet univers alcoolisé permettant aux langues de se
délier et aux problèmes de se régler au moins en apparence. La mise en
scène assez rudimentaire peine à donner la moindre grâce à cette
histoire assez sommaire. Symbole de ce sympathique gâchis : cette femme
belle et mystérieuse qui apparaît en milieu de film dans un mouvement
quasi surnaturel ne garde son aura qu'un temps, et finit par être
réduite à une simple symbolique sexuelle. Contrairement à son petit
frère, qui fait toujours la même chose mais le fait bien, Mika
Kaurismäki manque décidément de style pour offrir plus que de petites
œuvres inconséquentes.
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