Critique : Yuki et Nina

Thomas Messias | 7 décembre 2009
Thomas Messias | 7 décembre 2009

Ça pourrait ressembler au résumé des Je bouquine que nous dévorions enfants. Yuki et Nina sont les meilleures amies du monde, mais les parents de Yuki se séparent, et comme la mère de Yuki est japonaise, Yuki va retourner vivre au Japon, et donc Yuki et Nina décident de fuguer... L'histoire semble écrite ainsi, prédécoupée en chapitres de ce qui s'annonce comme une gentillette histoire d'amitié en culottes courtes. Ce serait cependant mal connaître Nobuhiro Suwa, cinéaste inattendu à défaut d'être toujours saisissant, et Hippolyte Girardot, acteur de plus en plus génial au fort tempérament d'artiste. Par petites touches, sans révolutionnarisme, l'improbable duo d'auteurs nous montre la différence entre un film pour enfants et un film sur l'enfance. Yuki & Nina passionnera avant tout l'adulte conscient d'avoir laissé échapper à jamais une part ou l'intégralité de son enfance ; il oppose avec finesse les réactions et les considérations de deux générations faites pour s'aimer mais pas pour se comprendre. Et c'est souvent beau.


C'est beau parce que, de cette histoire possiblement cousue de fil blanc, les deux réalisateurs tirent une fable chaotique, d'un réalisme sans cesse piqué au vif par un onirisme qui guette mais ne s'impose jamais vraiment, comme dans un état de demi-sommeil où la conscience prédomine mais où le rêve n'est jamais loin. En compagnie de ces deux petites filles, on redécouvre à quel point le monde des adultes est compliqué, à quel point l'amour devrait être simple. Et c'est au détour de scènes d'apparence anodine que le film trouve sa force. Pour convaincre ses parents de rester ensemble, Yuki demande l'aide de Nina pour confectionner une lettre d'une simplicité totale, pointant en quelques phrases naïves l'évidence du sentiment amoureux, et signée par "la Fée de l'amour". La lettre arrive quelques jours plus tard par la Poste, et chavire totalement la mère de la gamine, qui réalise alors à quel point l'âge adulte pourrit tout.


La cohabitation parents-enfants et les divergences de perceptions qui en découlent constituent la plus belle partie de ce film délicat, qu'on sent évoluer quelque part entre écriture précise et improvisation sans jamais savoir ce qu'il en est vraiment. Tout comme il est difficile d'évaluer si les jeunes actrices jouent un peu faux ou si ce sont leurs personnages de gamines tourmentées qui imposent ces excès réguliers. La dernière partie du film, qui se recentre sur Yuki et Nina à travers le récit de leur fugue, est du coup moins intéressante car elle perd en partie la diversité des points de vue proposés jusque là. Cette plongée des deux petites filles dans la solitude et la nature - puis dans autre chose - est étrangement moins magique que tout ce qui précède, alors que l'environnement - une grande maison vide, la forêt - laisser présager du contraire. Reste que Yuki & Nina est jusqu'au bout un bien joli film, divinement mis en scène et sans aucune mauvaise surprise, qui aurait pu ouvrir une longue collaboration entre Suwa et Girardot si les deux hommes n'étaient apparemment fâchés depuis le bouclage du film. C'est compliqué, les adultes.

Résumé

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