Critique : Sommeil blanc
La neige est quand même un formidable élément de cinéma. Une armée de flocons, un épais tapis blanc, et c'est toute une ambiance qui s'installe en un clin d'oeil. Cela n'a pas échappé à Jean-Paul Guyon, directeur de production passé auteur-réalisateur pour ce Sommeil blanc qui sort en catimini. Installant son intrigue dans des paysages montagnards reculés, rendus difficilement accessibles par les conditions hivernales, il installe sans effort un point de départ prometteur, l'idée d'un huis-clos dans une auberge savoyarde isolée ayant franchement de l'allure.
Au début, on navigue à vue en
compagnie de ce couple apparemment secoué par un drame ancien mais
impossible à cicatriser, réfugié au fin fond de la Savoie pour se
retrouver en paix avec lui-même. La rencontre d'un mystérieux ado
perturbe sacrément madame, qui commence à perdre ses moyens. Imparable
argument de polar, de thriller ou même de film fantastique, pour peu
que le scénariste sache où il va. C'est malheureusement là que le bât
blesse : passée l'exposition, Guyon est déjà à court d'idées et se
révèle incapable d'exploiter convenablement ce postulat. Sommeil blanc
se résume alors à une curieuse errance sur fond blanc, un chassé-croisé
sans enjeu où les personnages se courent après, s'examinent, se méfient
les uns des autres, sans que leurs préoccupations ne deviennent jamais
communicatives. L'absence de réelle conclusion viendra confirmer ce
fait : Sommeil blanc est un film monolithique, rendu mystérieux par son enveloppe neigeuse et par elle seule.
Le
scénario est-il le seul élément à mettre en cause ? Pas sûr. D'une
façon générale, l'interprétation vient couper court à toute tentative
d'identification, de compassion. Dans le rôle de cette femme perturbée,
qui sombre vraisemblablement dans une démence de plus en plus profonde,
Hélène de Fougerolles ne tient pas la route. Les pires instants de sa
prestation sont les plus importants, à savoir ceux où son personnage
pète les plombs, pleure, hurle. On n'y croit pas une seconde, et c'est
totalement rédhibitoire. Le jeune Julien Frison, personnage-clé du film
par le mystère qu'il est censé engendrer, n'est guère plus convaincant
: être inquiétant avec une telle voix de fausset est une chose bien
délicate. Quant à Laurent Lucas et Marc Barbé, qui semblent avoir abusé
de la fondue au cours du tournage, ils sont à la fois inexploités et en
dehors du coup, ne donnant aucune épaisseur à leurs personnages. Bref,
personne n'est à sa place, tout le monde s'en fout, et le spectateur
aussi, qui sort de là avec pour seule envie celle d'aller voir de la
vraie neige de près.
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