Critique : Le Prix d'un homme

Nicolas Thys | 2 décembre 2009
Nicolas Thys | 2 décembre 2009

Lindsay Anderson n'est pas qu'un cinéaste. Anglais né en 1923, il arrive au cinéma grâce à la critique cinématographique à la fin des années 1940 avant de mener en parallèle cette activité et celle de réalisateur peu de temps après. De ses textes, qui mériteraient d'être publiés en France, ressort une volonté de faire quelque chose de nouveau, de briser les chaines d'un cinéma sclérosé et en dehors de toute réalité. Il dénonce, à sa manière, une « certaine tendance » du cinéma anglais et cherche à faire ressortir cette Angleterre que nul ne montrait. Il sera bien sûr l'une des figures majeures du Free Cinema, qu'il ne quittera jamais réellement.

 

Après de nombreux courts métrages, essentiellement documentaires, il se lance en 1963 dans le long et dans la fiction avec Le Prix d'un homme, histoire simple, celle d'un homme au-delà de toute convention devenant une star du rugby, entrant dans un monde nouveau et qui est tragiquement amoureux de la veuve d'un ouvrier. Comme souvent, cette simplicité cohabite avec une recherche esthétique et formelle importante et, s'il n'atteint pas encore ici la rage et la force d'If..., il y tend et propose un portrait sans concession d'une Angleterre où les clivages sociaux sont très présents.

 

Tout est politique. Tout est social. Et le désir de s'élever dans la société sans quitter ses manières brutes et sa mansarde lui feront brûler ses ailes. Malgré ses rêves et la gloire, la réalité du milieu duquel il provient n'est jamais loin. En arrière plan, de grandes cheminées surplombent le stade. Seul, perdu dans l'immensité d'une nature vide, la vile et d'autres usines lui font face. A la campagne ce sont les ruines d'un bâtiment qui l'entourent. Les plans sur les maisons, toutes semblables, petites, sales, contrastent avec l'opulence du patron et la voiture blanche, immaculée du nouveau riche, fait tache dans la grisaille ambiante.

 

Anderson montre. La vie telle qu'elle est. Comme ont pu le faire les néoréalistes en Italie, comme le fera Milos Forman en Tchécoslovaquie par exemple. Ce n'est dès lors pas un hasard de retrouver Miroslav Ondrícek, l'opérateur de Forman, sur If... quelques années plus tard. Mais la nouveauté du Prix d'un homme vient également de sa forme, de ses lumières crues, réalistes à l'extérieur et très contrastées à l'intérieur et de son montage, souvent sec, qui rompt clairement avec les codes classiques. La première partie, mélange deux temporalités avec des allers-retours constants avant de reprendre un cours normal vers un final coup de poing (une araignée en fera d'ailleurs les frais dans l'un des plans les plus insoutenables du film).

 

Pour son premier essai dans le long métrage, Anderson signe un film important dans un style parfois proche du documentaire avec une violence manifeste qui se transmet jusque dans les corps des deux acteurs principaux, jusque dans la nudité des corps et le sang. Les deux protagonistes n'y sont pas étrangers. Richard Harris est magnifique en armoire à glace impénétrable cédant peu à peu à une douleur folle, et Rachel Roberts parfaite dans un de ses plus grands rôles : froide et dure, capable d'amplifier chaque sentiment d'un battement de cil.

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