Critique : Hadewijch

Thomas Messias | 22 novembre 2009
Thomas Messias | 22 novembre 2009

Comme les précédents, le cinquième film de Bruno Dumont ne manquera pas d'alimenter les débats et de faire le bonheur des polémistes professionnels. Ne nous fâchons pas : comme toujours chez ce passionnant cinéaste, et plus que chez n'importe lequel de ses contemporains, Hadewijch n'est qu'affaire d'interprétation, Dumont préférant montrer plutôt que démontrer. Quelles conclusions tirer d'un tel film, dont certaines séquences - la dernière notamment - peuvent être perçues de façon diamétralement opposée sur un simple plan sensitif ? Plus que jamais, et c'est sans doute le plus gênant, chacun pourra trouver dans le film des arguments qui nourriront son envie de faire du metteur en scène un humaniste hors pair ou un dangereux extrémiste.


La première force de Hadewijch est pourtant picturale : on se noierait volontiers dans les yeux de cette étudiante en théologie si aveuglée par sa foi qu'elle semble évoluer dans le monde matériel comme une somnambule. Dieu semble agir sur elle comme une sorte d'épaisse pellicule la protégeant des attaques extérieures, et c'est assez étrange à voir. Momentanément évincée de chez les soeurs et sommée d'aller un peu voir la vraie vie, la voici parachutée dans le grand appartement parisien de ses parents. Désireuse de tuer l'ennui et de profiter un peu de sa liberté retrouvée, l'ex Hadewijch - redevenue Céline - découvrira, au fil de ses rencontres, un autre type de foi qui lui ouvrira d'autres horizons. Son parcours, filmé avec simplicité mais rigueur, a la beauté de ces promenades apparemment sans but, qui finissent par déboucher sur une trouvaille inattendue.


C'est toute la bizarrerie du style Bruno Dumont : on est ballotté, malmené, tiraillé par des impressions contradictoires, mais toujours désireux d'avancer avec le cinéaste tant ce qui suit est impossible à prévoir. Les réponses ont le mérite de ne jamais laisser indifférent, et le virage pris par Hadewijch après plus d'une heure entre Paris et le pensionnat a de quoi créer perplexité et stimulation intellectuelle. Céline - incroyable Julie Sokolowski - sait-elle vraiment où elle va ? Son Dieu la protège-t-il autant que prévu ? Où s'arrête la bienveillance de la religion ? On emporte ces question avec soi après la projection d'un film chaotique et magnifique, qui marque une certaine évolution dans la mise en scène de Dumont : on le sent plus doux, plus à l'écoute de ses personnages, animé par plus de compassion et moins de mépris. mais toujours aussi en alerte face aux perversions de notre époque.

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