Critique : Le Concert

Nicolas Thys | 3 novembre 2009
Nicolas Thys | 3 novembre 2009

Révélé en 1998 avec Train de vie, comédie dramatique sur la déportation qui jouait autour de l'absurde et du tragique avec délice, Radu Mihaileanu, cinéaste roumain arrivé en France dans les années 1980 pour fuir la dictature de Ceausescu, choisit une nouvelle fois la carte de l'humour et du drame pour son Concert. En trois films à peine, avec Va, vis et deviens sorti en 2004, le réalisateur a su imposer un style qu'on aimerait rencontrer plus souvent dans le cinéma français et qui semble davantage propre aux personnalités venues d'Europe de l'est.

Lyriques, souvent décalés, ne tombant jamais dans un pessimisme régressif ni une psychologie étouffante, les films de Mihaileanu proposent une véritable réflexion sur l'identité d'un peuple ou sur la connaissance d'un individu à travers autrui. Le Concert est une nouvelle fois l'histoire de cette recherche de soi. Pour le chef d'orchestre ce sera l'occasion de revenir sur un traumatisme originel et de le dépasser. Pour la soliste, magnifique Mélanie Laurent, ce sera un retour sur ses origines et une forme de renaissance. Mais l'intérêt du film réside justement dans l'absence de misérabilisme et d'introspection maladive bien souvent fastidieuse.

Ici, dans chaque plan et toujours avec malice, l'humour se mêle au drame et le tragique du quotidien prend une tournure nouvelle et bénéfique. Voir par exemple l'arrivée des mafieux lors d'un mariage, le meeting communiste en France ou le téléphone portable lors des répétitions. Jamais le sérieux ne devient pesant et l'humour se voit toujours doublé d'un contrepoint émouvant. Avec un rythme soutenu et à l'aide d'une mise en scène classique mais efficace, Mihaileanu compose une galerie de portraits étonnante et délirante autour d'individus dont le trait d'union reste la musique.

Tchaïkovski est le cœur du film, son centre névralgique et la musique joue ici un rôle central, voire vital. Mais, cette vie doit beaucoup à l'absence de solennité et de déférence qu'on perçoit habituellement lorsqu'on s'attaque aux grands mythes de la musique classique. Ici le respect de l'œuvre musicale se teinte de mysticisme et de nervosité et le miracle réside dans la réunion d'individus dispersés qui parviennent à communier ensemble dans une symphonie grandiose où la clé n'est autre qu'une découverte ultime de son être propre.

A voir ce Concert, on ne peut s'empêcher de penser à d'autres cinéastes à l'âme slave marquée : Forman et ses premiers films tchèques pour la satire politique, ou Kusturica, l'onirisme en moins, pour la folie ambiante. Et, si le sacré est moins prégnant chez ces derniers, la musique est également l'une des clés de voute de leur œuvre.

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