Critique : Une affaire d'État

Laurent Pécha | 31 octobre 2009
Laurent Pécha | 31 octobre 2009

A la sortie d'Une affaire d'état, sans aucun LOL possible, une pensée nous assaille : Il faut sauver le soldat Valette. Voilà, un cinéaste précieux qui revient au pays après 7 ans d'absence et deux films ricains toujours inédits (One missed call et Hybrid), pour signer rien moins qu'un petit bijou de polar. Un film presque anachronique tant on a l'impression de faire un bond d'une trentaine d'années en arrière pour replonger à une époque où le cinéma français savait faire du film de genre qui avait de la gueule et des c...Un cinéma populaire et intelligent (si, si, c'est possible même si c'est un genre en voie d'extinction dans nos contrées ces temps-ci) qui se sert d'une réalité politique et sociale pour offrir un récit haletant et passionnant sans jamais chercher à imposer sa vision du monde.

Film choral à la capacité étonnante à aller droit à l'essentiel, Une affaire d'état s'articule autour de trois personnages principaux comme autant de facettes pour jouer avec les zones forcement grises d'hommes et femmes qui acceptent d'entrer dans la danse irrémédiablement macabre du contrôle du pouvoir. Dans cette valse morbide où chacun abat ses cartes pour tenter de faire prévaloir ses idéaux, bons ou mauvais (la question n'est heureusement jamais posée et débattue), on retrouve en premier lieu, Victor Bornand (impérial André Dussolier) en grand manitou occulte de l'Elysée déclinant et instigateur malgré lui de cette affaire d'état. Face à lui va se dresser petit à petit Nora Chahyd (Rachida Brakni des plus intenses), jeune flic dont les idéaux vont être mis à rude épreuve. La troisième grande figure de cette histoire complexe mais d'une rare fluidité et cohérence, c'est  Michel Fernandez (Thierry Fremont, incroyable dans LE rôle pivot du récit), homme de main de Bornand personnifiant à merveille les tourments et complexités d'un système corrompu.

Trois protagonistes que le cinéaste choisit avant tout de personnifier par leurs gestes et actions, nous évitant des lourds dialogues explicatifs (mais heureusement pas des bons mots) et qui sont sans cesse enrichis par l'existence de seconds rôles exceptionnellement bien dessinés en quelques scènes (voire quelques plans parfois) comme Mado (Christine Boisson et sa classe intacte), sorte de Madame Claude impitoyable en affaires ou le capitaine Bonfils, flic idéaliste mais jamais dupe (Gérald Laroche, fidèle du cinéaste qui le lui rend bien à travers des séquences éminemment référentielles au cinéma qu'il aime).

Tout ce « beau » monde s'affronte sans jamais vraiment le savoir totalement et le spectateur d'être le témoin privilégié car intelligement sollicité de cette farandole morbide orchestrée par un réalisateur sacrément inspiré qui joue habilement avec les codes du genre, s'amuse avec nous de références cinéphiles (le western italien en tête) et utilise sa caméra pour signifier vraiment des choses (et ça, ça fait un bien fou). Magnifiant constamment son budget (4 millions d'euros, ça s'appelle un modèle d'efficacité budgétaire à la Carpenter), prouvant que l'on peut utiliser le numérique et faire un film qui a de la gueule, Valette dépoussière le polar avec une maestria détonante à l'image d'une haletante poursuite à pieds nocturne dans les rues de Pigalle.

Porté par le score envoûtant de Noko (un thème principal d'exception et des notes lancinantes qui nous suivent bien longtemps après la fin de la projection), Eric Valette transcende le cadre bien trop souvent étriqué d'un thriller français de plus pour faire souffler le lyrisme d'un western mélancolique dans les décors d'un Paris crépusculaire. Et accessoirement mais alors vraiment, signe le meilleur film produit par l'hexagone en 2009. Le Eric Rochant des Patriotes a enfin trouvé un successeur. Welcome home mister Valette !

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