Critique : Katalin Varga

Thomas Messias | 7 octobre 2009
Thomas Messias | 7 octobre 2009

Viol, vengeance, exil : Katalin Varga n'est pas exactement une comédie, mais évite le misérabilisme tout en gardant toujours ses distances vis-à-vis d'une quelconque dimension sociale. Tourné en Roumanie avec des acteurs du cru, le premier long du britannique Peter Strickland est une claque, un classique immédiat qui ravira les fans de Tarkovski, les détracteurs de Reygadas, et pas mal d'autres. Le film raconte la fuite d'une femme, chassée par son mari après qu'il a appris que son fils n'est pas son fils, mais le fruit d'un viol évidemment sordide survenu des années avant. Pour une simple histoire d'honneur, voici Katalin et le jeune Orbán contraints de sillonner les routes, pour un voyage qui va rapidement se transformer en vendetta contre les deux responsables du drame et de ses conséquences.


C'est une fois ce postulat établi que le film prend réellement son envol, se singularisant très rapidement par la puissance absolue de sa mise en scène. Dans Katalin Varga, la durée des plans a un sens et le travail du son - récompensé par un Ours d'Argent à Berlin - un atout majeur, transformant chaque scène en un monument d'inquiétude, de magie angoissante ou de beauté sordide. Les travellings pénètrent les décors et les êtres pour mieux les sonder. On vibre et on tremble au contact de cette sensationnelle héroïne qui, loin de pleurer sur son sort, assume avec un aplomb monstrueux son statut de victime absolue et semble déterminée à orchestrer une vengeance simple mais déchirante. Avec une infinie justesse et une retenue salvatrice, Strickland évite au film de tomber dans la case polar, se concentrant uniquement sur son personnage principal, ses relations avec son fils, son rapport à la nature... et ses retrouvailles avec ses agresseurs.


Les évènements, bien que dépourvus de calcul, prennent alors une tournure perverse dans une dernière partie extrêmement tendue, imprévisible et magnifique. Au coeur de tout cela, un moment de cinéma encore plus extraordinaire que les autres, dans un champ - contrechamp ébouriffant. Ayant retrouvé son violeur, qui ne l'a pas reconnue, Katalin part en barque avec l'homme et son épouse, et choisit de ce moment d'intimité pour raconter en détail le viol dont elle a été victime. En une fraction seconde, juste le temps que celui-ci comprenne, une relation en triangle perverse et ambiguë s'est installée, qui ne pourra se dénouer que dans la douleur. La barque fait mille tours sur l'eau, les personnages sont KO debout, et le spectateur est en suspension, grisé par la cohérence et la beauté absolue de cette oeuvre. Strickland s'impose comme l'anti Reygadas, travaillant lui aussi sur la durée mais parvenant à en dire davantage en une heure vingt-cinq que le mexicain en deux heures trente. Très grand film.

Résumé

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