Critique : Les Joies de la famille
Dans Brazil, la modification accidentelle d'un caractère typographique constituait pour le pauvre Buttle le début d'une longue série de péripéties éprouvantes. Une erreur encore plus minime est au centre des Joies de la famille : croyant adopter un petit Patrik d'un an et demi (1,5 pour ceux qui seraient allergiques aux chiffres), un couple de suédois se retrouve finalement en charge d'un Patrik adolescent âgé de 15 ans. Imaginez : une simple virgule en trop, et c'est toute une mécanique scénaristique qui se met en marche. Ça donne envie de se relire jusqu'à épuisement afin d'éviter la moindre faute de frappe...
Car Les joies de la famille
n'est rien qu'un téléfilm assez inepte, qui a étrangement réussi à
faire son chemin depuis la Suède. Le maigre imbroglio relaté ci-dessus
est étiré en longueur sur une heure et demie sans que jamais la
réalisatrice Ella Lemhagen en tire quoi que ce soit d'un peu épais. Le
jeune Patrik est un délinquant récidiviste ? Ses nouveaux parents
planquent tous les couteaux avant de découvrir assez vite à quel point
c'est un bon garçon usé par la vie. Chaque problème possiblement
épineux a ainsi sa solution schématique et ennuyeuse, donnant
l'impression d'être coincé un lundi soir devant TF1. Mais le film,
adapté d'une pièce de Michael Druker (qui n'est pas le présentateur du Vivement dimanche
suédois), dispose d'un argument publicitaire en plus, censé faire toute
la différence, et susceptible de capter la bienveillance hypocrite
d'une certaine partie du public.
C'est que, voyez-vous, le couple
qui accueille Patrik contre son gré est constitué d'un homme et d'un
homme, sujet furieusement à la mode dans bien des films populistes qui
semblent découvrir l'existence d'une homosexualité différente de celle
montrée dans La cage aux folles. À ce titre, Les joies de la famille apparaît comme le pendant scandinave d'un Comme les autres en forme de consensus mou, dont le seul message était « les homosexuels sont des gens normaux, si si
». Contrairement à son homologue français, le film de Lemhagen n'a même
pas une vocation de film à thèse, la cause des homosexuels suédois
étant déjà entendue depuis 2002 en ce qui concerne l'adoption. Il n'est
qu'un tout petit machin faussement tolérant qui ne lancera aucun débat
pas plus qu'il ne suscitera la moindre émotion.
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