Critique : Goodbye Solo
Ramin Bahrani tourne vite et bien. Après Chop shop, sorti en octobre dernier, voici qu'arrive déjà Goodbye solo, son quatrième long. Et si le premier, Strangers, est resté inédit chez nous, les oeuvres suivantes ont démontré non seulement le talent du monsieur mais aussi sa propension à gagner en expérience et en maturité de façon fulgurante. Goodbye solo se déroule en effet dans un monde d'adultes, pas miséreux mais néanmoins très dur. Le premières images du film nous plongent illico presto en plein milieu d'une conversation entre les deux personnages principaux, dont on devine qu'ils se sont rencontrés quelques minutes avant : l'un est un chauffeur de taxi d'origine sénégalaise qui fait ce métier en attendant mieux ; l'autre est un vieil homme aux allures dépressives qui a visiblement programmé son suicide une dizaine de jours plus tard.
Là où le style Bahrani fait la différence, c'est que Goodbye solo
parvient à n'être ni un film social classique et déjà vu sur le sort
peu enviable des immigrés et des seniors, ni le récit niais de la
naissance d'une amitié, ni même une tragédie donnant envie de se tirer
une balle à la sortie. Droit dans ses bottes, le cinéaste reste ancré
dans la chronique réaliste et dresse le portrait de ces deux hommes aux
trajectoires inversées, l'un pensant avoir atteint le bout du chemin
quand l'autre espère n'en être qu'au début. Si Solo - le chauffeur de
taxi - tente d'infiltrer l'existence du monsieur fatigué, nul ne dit
qu'il parviendra à lui faire changer d'avis ou à lui apprendre quelque
chose. Pour Bahrani, les rencontres peuvent être enrichissantes même
lorsqu'elles semblent ne rien apporter de concret, ni modification de
la personnalité, ni ouverture d'esprit. Constat un rien désabusé mais
réellement convaincant.
Goodbye solo
fonctionne également sur un petit suspense, jamais mis en valeur de
façon éhontée mais toujours présent dans la tête du spectateur : au
bout du compte, le vieux William mettra-t-il à exécution son plan
suicidaire ? Ou reviendra-t-il à plus de raison, se raccrochant aux
quelques êtres qui l'aiment et pour lesquels il doit sans doute
éprouver un peu d'affection ? Se produit un nouveau miracle : si ce
genre d'interrogation mène souvent à des conclusions exagérément
tragiques ou scandaleusement édulcorées, Bahrani parvient une fois
encore à trouver une voie différente, usant d'une infinie délicatesse
pour nous mener vers des sommets, au propre comme au figuré. Il est
toujours bouleversant de voir un grand cinéaste naître sous ses yeux.
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