Critique : Singularités d'une jeune fille blonde

Thomas Messias | 5 septembre 2009
Thomas Messias | 5 septembre 2009

101 ans et peut-être pas toutes ses dents, mais en tout cas toutes ses facultés : Manoel de Oliveira continue de tourner un film par an, poursuivant une oeuvre reconnaissable entre mille par son rythme et son style. Singularités d'une jeune fille blonde est sans doute ce qu'il a fait de mieux ces dernières années, l'histoire assez simple qu'il raconte provoquant en fin de course une certaine déstabilisation du spectateur. En une heure et trois minutes, Oliveira narre la rencontre d'un comptable avec une jeune fille blonde vivant dans l'immeuble d'en face et passant son temps à s'éventer à la fenêtre. Il décrit le charme troublant de la rencontre, la fébrilité de la première approche, l'incertitude du premier rendez-vous. Et déjà tout fonctionne. Parce que la mise en scène, certes statique, met superbement en valeur l'excitation des débuts et le poids écrasant des conventions, qui pousse à demander aux doyens l'autorisation de s'aimer avant de pouvoir le faire de façon ostentatoire.


Polymorphe, le film se muera en drame, avant de livrer une conclusion sèche et inattendue qui permettra de revoir le tout comme une sorte de conte, avec ses personnages bien marqués et sa morale laconique mais pleine d'enseignements. Car la jeune fille blonde est évidemment singulière, mais pas au sens où certains réalisateurs grossiers ou patauds l'auraient entendu. Plus que jamais, Oliveira se fait fin, livrant une oeuvre qui l'air de rien possède plusieurs niveaux de lecture, et dont le faux rythme n'a pour une fois rien de soporifique. Même quand le héros s'attarde dans un club littéraire et se voit proposer une description méthodique des bibelots exposés, le temps mort créé n'est là - délibérément ou non - que pour créer une sorte d'attente insoutenable avant que ne démarre l'étape suivante du récit.


Car Singularités d'une jeune fille blonde a tout du film à suspense : le héros emballera-t-il la fille ? Parviendra-t-il à l'épouser ? Trouvera-t-il un job ? Finira-t-il à la rue ? Vivra-t-il heureux à jamais ? Sans ambages, de la façon la plus décontractée qui soit, le cinéaste centenaire nous embarque pendant une heure et ne nous lâche guère. Son récent Christophe Colomb : l'énigme s'apparentait à une longue séance de torture qu'il fallait supporter en souriant, comme une visite à la maison de retraite. S'il n'a certes pas la fougue d'un réalisateur de trente ans, Oliviera semble cette fois avoir arrêté le temps pour nous offrir cette petite curiosité qui comptera à coup sûr parmi ses meilleurs films.

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