Critique : Mademoiselle Chambon

Lucile Bellan | 27 août 2009
Lucile Bellan | 27 août 2009

Après Je ne suis pas là pour être aimé et Entre adultes, Stéphane Brizé continue son exploration des relations entre les hommes et les femmes avec son nouveau long-métrage Mademoiselle Chambon. Alors que dans son précédent film les amours (et les coucheries) des gens ordinaires flirtaient parfois avec la laideur involontaire, ici, il s'agit plutôt d'un couple improbable, une maîtresse d'école et un parent d'élève maçon et bourru, qui vit un peu malgré lui une histoire d'amour, de passion, de langueur comme on n'en voit que dans les livres et au cinéma.

Adapté d'un livre d'Eric Holder, Mademoiselle Chambon au cinéma a encore positivement les marques de la littérature. Car il n'en faut pas moins pour dépeindre cette célibataire, une femme sans âge presque sans passé (mis à part à travers sa passion du violon) et dont les petits détails du quotidien, le moindre décor de son intérieur, respirent une saine désuétude. Des vêtements fades mais pas inélégants aux vieilles toiles marines sur le mur, de grises photos de jeunesse côtoient tableaux qu'on devine emplis d'émotions mais toujours à la limite du kitsch. Et il en faut du talent pour donner un visage (Sandrine Kiberlain) et donc un corps (grand et osseux) à ce personnage riche, plein mais ô combien triste.

A jouer avec des codes oubliés (ou endormis), le film en deviendrait presque un classique. Et, à mi-chemin entre une France provinciale indatable, une histoire loin d'Internet et des atermoiements de notre époque, c'est donc sur un quai de gare que se joue la plus grande bataille du film. A l'ancienne. La suite du casting n'est pas en reste puisque Vincent Lindon y incarne un rôle (un maçon un peu fruste mais honnête et droit) qui semble écrit pour lui. Et même si cette histoire tragique est celle de gens « normaux », les accents graves de sa voix, comme les jeux de regard lui donnent vraiment une dimension littéraire, belle et forte.

Mademoiselle Chambon est donc une comédie dramatique inspirée qui emmène le spectateur au devant de personnages exceptionnels (et donc de performances d'acteurs plus qu'intéressantes), d'une histoire qu'on connaît tous par cœur mais qui, ici, nous fait vibrer comme pour la première fois.

Résumé

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commentaires
Flo
27/06/2023 à 14:14

Avant d’aller vers des combats sociaux de travailleurs, Stéphane Brizé et Vincent Lindon montraient juste des travailleurs sans problèmes matériels. Uniquement sentimentaux, une autre Brève Rencontre avec adultère contrarié (et aussi pudique que gênant, surtout avec son ex Sandrine Kiberlain). Comme remède passager à la morne banalité du quotidien… mais où, finalement on n’échangerait de vie pour rien au monde.
Déjà la peur de la précarité, en fin de compte.

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