Critique : Pique-nique à Hanging Rock

Nicolas Thys | 12 août 2009
Nicolas Thys | 12 août 2009

Onirique. C'est le premier terme qui vient à l'esprit pour qualifier Pique nique à Hanging-Rock de Peter Weir, l'une des œuvres les plus envoutantes que le cinéma ait enfantée. Pourtant ce film n'est pas juste onirique ; il est un rêve, régi par les mêmes mécanismes, ce que la caméra vagabonde du cinéaste a bien compris et chaque plan insiste sur cet état illusoire.

Rien dans ce pique-nique n'est normal. Rien dans le monde décrit par ce film n'est logique. Rien dans la structure du récit, malgré son apparente simplicité, n'est similaire à d'autres films. Ici aucune réelle fin, aucune piste n'est suivie jusqu'au bout. Les micro-histoires se chevauchent et aucune ne vient se clore. Tout reste en suspend, en perpétuelle flottement. Comme dans un rêve, celui de Sara peut-être, au centre et à la marge, qui se terminerait sur un élément caduc. Un rêve à poursuivre sans cesse et jamais. Parmi ces éléments l'amour de l'une des filles pour une autre par exemple, la relation frère/sœur entre Sara et le lad, l'énigme des filles disparues. Le mystère du rocher.

Mais le rêve est partout. Particulièrement cinématographique. La musique de Gheorghe Zamfir, à la flûte de pan très volatile, et la photographie de Russell Boyd assisté de John Seale, deux des plus importants chef-opérateurs contemporains, apportent une atmosphère à la fois légère et lyrique mais chargée et aux intérieurs oppressants qui se délitent progressivement. La dissolution est à l'œuvre, permanente. Celle des corps mais aussi celle des institutions. A la lourdeur académique du début où tout est figé, filmé dans des contre-plongées larges et imposantes, succède une intimité étrange où l'on pénètre au cœur des choses les plus noires.

Parmi les séquences en extérieur, les plus belles du film, toutes d'une inquiétante étrangeté, s'entrecroisent les influences de Lartigue, certaines textures pictorialistes, et une imagerie à la fois immensément poétique et d'un érotisme latent très 19ème siècle. Le gros plan du bas descendu, les ralentis sur le visage de Miranda (la Vénus de Botticelli) les visages lavés dans de l'eau fleurie, l'image du groupe de filles capturé comme une peinture impressionniste, la douceur des rires, la nature magnifiée à coup de panoramiques à 360° aussi beaux que surprenants, les plans de cette montagne labyrinthique et angoissante, ou encore ces surimpressions qui vont jusqu'à liquéfier la pierre ou rendre fantomatique les nymphettes.

Tout est de l'ordre du mystère, d'un mystère proprement australien, chaud et diaphane découvert dans le film Walkabout de Nicholas Roeg. Ce pique-nique nous plonge dans un univers d'une exquise volupté irisée, très loin de la lourdeur niaise d'un David Hamilton. Un mirage, une hallucination merveilleuse qui, dans l'un des plus beaux finals du cinéma, se fait photographie en un ralenti saccadé à la limite de la pixillation, et meurt (ou se réveille).

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