Critique : Les Derniers jours du monde

Thomas Messias | 8 août 2009
Thomas Messias | 8 août 2009

Ne pas se fier à l'affiche du film, qui peut faire penser à une énième pécasserie du genre Mon manchot chez les nudistes : si le film des frères Larrieu combine leurs obsessions passées (sexe sans tabou, massifs montagneux et autres), c'est pour mieux réinventer leur cinéma, voire le cinéma français dans sa globalité... Pour être clair, on n'a jamais vu en France - pas plus qu'ailleurs - un film pareil, qui allie description de la vie intérieure d'un homme et drame apocalyptique sur la fin du monde. Les seuls points de comparaison possibles sont des films qui, eux, étaient ratés, du Nuit de chien de Schroeter à La possibilité d'une île de Houellebecq. Les derniers jours du monde réussit là où les autres avaient échoué et c'est assez inexplicable.


Dès la scène d'exposition, le film parvient à créer un sentiment d'urgence, celui d'une fin imminente, qui invite au voyage, immobile ou non. Quand certains se lancent dans des périples impossibles pour tenter de sauver leur peau et d'échapper à l'apocalypse qui guette, d'autres préfèrent un surplace apparent, histoire d'attendre paisiblement et de faire le point. Robinson Laborde choisit l'une des options, puis l'autre. Il y a un temps pour tout : se remémorer la femme qu'on aime passionnément, puis se lancer à sa recherche. C'est dans cette dualité permanente qu'avance le film, une dualité que l'on retrouve également dans le style. À tout moment, une scène de dialogue a priori ordinaire peut se virer au bain de sang. Les lieux les plus respectables et classiques ne sont pas épargnés. La mort et la violence sont partout qui rodent, et seul le fait de suivre Robinson à la trace - jamais on ne quitte son point de vue - permet de ne pas sombrer dans l'hystérie collective.


La vie est une aventure, et c'est ainsi que la vit le héros, tombé en amour pour cette drôle de fille un peu garçonne, aux moeurs légères et à la disparition facile. Arnaud et Jean-Marie Larrieu ont réinventé le fantasme ultime et lui ont donné corps - longue vie à Omahyra Mota. Robinson la voit comme une façon de se reconstruire juste avant la mort, dans un éternel recommencement. Dans cette atmosphère inquiète, chacun se cherche à sa façon, sur le plan sexuel en particulier, d'où le côté débridé de nombreuses scènes. Mais le sexe a beau y être délectable, il est toujours empreint d'un véritable sentiment d'inquiétude : une fois encore, même entre les bras - ou les jambes - d'une personne qui nous séduit, le couperet reste au-dessus de notre gorge. C'est d'autant plus jouissif. Les derniers jours du monde, c'est le monde vu comme une gigantesque backroom placée dans un abri antiatomique. Improbable, grinçant, indescriptible donc excitant.


On n'imagine sans doute pas le travail fourni par les frères Larrieu pour aboutir à un tel résultat. L'écriture est d'une finesse exquise et la mise en scène au cordeau, d'autant que des scènes d'action sont cette fois au programme. Un tir de roquette chez les Larrieu ! Pendant un moment, on croit rêver, puis on se pince, et c'est exactement ce que font les personnages, au bord du gouffre dans vraiment s'en rendre compte, puis soudain totalement conscients de ce qui leur arrive. C'est aussi beau que flippant. C'est surtout magistral. Et, mieux que tout, ça ne s'analyse pas. Ça se vit. On n'imaginait pas que le projet le plus audacieux du cinéma français de ce début de siècle émanerait de ces deux types à l'air affable. On s'était trompé. Chef d'oeuvre.

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