Critique : Soie
S'il n'y avait sur l'affiche le nom du canadien François Girard, on jurerait ses grands dieux que Soie est l'oeuvre d'Edward Zwick. Cette adaptation d'un court roman d'Alessandro Baricco - dont il faut lire, au passage, City, Châteaux de la colère et Novencento, pianiste - ressemble en effet à s'y méprendre à un croisement entre Légendes d'automne et Le dernier samouraï. Même héros jeune, valeureux et pas rasé ; même contrées lointaines, belles à s'en péter la rétine ; même initiation à la vie et à l'amour par l'entremise d'un personnage moins secondaire qu'il n'y paraît. Il ne manque en fait qu'un élément pour que Soie soit un pur film d'Edward Zwick : un souffle épique et des scènes d'aventure dignes de ce nom.
Interprété
par Michael Pitt, le héros du film multiplie en effet les périples au
Japon afin de ramener dans son petit village français des vers à soie
non éclos et vierges de toute maladie. Des voyages longs, épuisants,
semés d'embûches, que François Girard choisit de ne pas traiter pour
mieux se focaliser sur les périodes d'immobilité du personnage. Un
parti pris comme un autre, qui condamne malheureusement le film à
n'être qu'une romance parmi tant d'autres, une série de scènes très
fleur bleue, bien sucrées, que Baricco n'imaginait sans doute pas
ainsi. Si la trop courte partie « soie » a de quoi retenir l'attention,
notamment grâce à un Alfred Molina toujours inspiré, le reste tient
davantage de la meringue que du grand film d'amour(s). La passion vécue
par le héros pendant ses incartades nippones a son petit côté exotique,
mais ses retours au pays sont aussi plats que le visage de Keira
Knightley, plus que fadasse dans le rôle de l'épouse abandonnée.
Michael Pitt n'est pas beaucoup plus inspiré, rappelant la prestation de Brad Pitt dans Légendes d'automne
: plein de cheveux ou une grosse barbe ne suffiront jamais à camper un
homme, un vrai. La mise en scène purement illustrative de Girard ne
fait qu'accentuer le manque d'envergure des interprètes, qui n'ont, il
est vrai, pas grand chose à faire tant cette adaptation semble n'avoir
rien à dire ni à montrer. Porter un livre à l'écran est une initiative
forte résultant normalement d'un coup de coeur pour une histoire ou une
atmosphère. Alors comment expliquer qu'un film pareil soit d'une
platitude sans nom ?
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