Critique : Le Roi de l'évasion

Thomas Messias | 13 juillet 2009
Thomas Messias | 13 juillet 2009

Même si sa sortie estivale risque de le faire passer inaperçu, Le roi de l'évasion marque pour Alain Guiraudie une avancée discrète mais palpable vers un cinéma plus populaire - mais toujours aussi particulier. En des temps où la frénésie régionaliste a tendance à se renforcer en France (l'effet Dany Boon ?), le film débute sur ce mode, introduisant un vendeur de matériel agricole qui démarche chez les agriculteurs du sud de la France - mais, par pitié, pas dans le Tarn et Garonne. Qui connaît Guiraudie sait bien qu'il ne se contentera pas de cela, et en effet : Arnaud fréquente les lieux de rencontre gay, se sert de son charme de gros nounours pour séduire et faire fructifier ses affaires... jusqu'à rencontrer et sauver à sa manière Curly, une belle adolescence en mal de mâle. De là, Le roi de l'évasion orchestre un possible coming in ainsi que la fuite en avant de son couple improbable.


Comédie loufoque souvent très osée, le film ne s'interdit quasiment rien, et fait exploser toutes les frontières. C'est clairement le message du réalisateur, déjà porté dans ses films précédents. Jeune/vieux, beau/laid, gay/straight, gros/maigre : tous les clivages sautent tôt ou tard, parfois simultanément, dans une réjouissante communion des coeurs et surtout des corps. Le roi de l'évasion est le film de toutes les libertés, qui considère le sexe comme un jeu souvent amusant et quasiment dépourvu de règles. Idem pour cette drôle de drogue nommée dourougne, racine procurant une vitalité sexuelle et intellectuelle faisant de chacun un étalon. On pourra reprocher au film une certaine insouciance et son absence de morale, qui ne condamne jamais les actes, même répréhensibles ou dangereux, de ses personnages. Mais Guiraudie n'a visiblement aucune autre ambition que de livrer un divertissement rafraichissant et totalement décalé.


Totalement impliqués dans des rôles pas évidents, les deux acteurs principaux participent assez largement à la réussite de l'ensemble. Ludovic Berthillot est une révélation assez incroyable, son physique tout en rondeur correspondant a priori mal aux canons de la beauté masculine. Pourtant, il est impossible de remettre en question le désir qu'il suscite chez tout un tas de protagonistes, même les plus inattendus. Quant à Hafsia Herzi, elle confirme enfin qu'elle n'est pas la fille d'un seul film, sa prestation d'une moiteur exquise ayant tout pour faire perdre la tête. Guiraudie les filme comme il respire, avec candeur et excitation. Se priver d'un tel spectacle, c'est comme refuser à la fois une sieste crapuleuse et une bonne crème glacée : juste inconcevable.

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