Girlfriend experience : Critique

Vincent Julé | 6 juillet 2009
Vincent Julé | 6 juillet 2009

Avant d'être le nouveau film de Steven Soderbergh, The Girlfriend Experience est une expression utilisée par les prostituées, call-girls et autres escort pour définir un type de services qu'elles proposent, où elles jouent les petites amies. A l'inverse d'une simple passe, le client a la possibilité le temps d'une journée ou d'une soirée, de vivre un simili de relation avec sortie au ciné, dîner aux chandelles, baiser voire deep french kiss, préliminaires, cunnilingus et fellation avec ou sans protection et full service avec protection. Il existe d'ailleurs aussi The Pornstar Experience, où notre travailleuse du sexe s'évertue à faire tout faire comme une actrice porno. Steven Soderbergh, lui, fait l'inverse et embauche la starlette X Sasha Grey pour interpréter sa call girl de luxe dans un film traditionnel. Mais pourquoi Sasha Grey et pas Jenna Haze, Jesse Jane, Lanny Barby, Stoya ou même Laly ?

 

 

Plus la peine de se demander ce que branlait Steven Soderbergh sur le tournage de Ocean's Thirteen ou dans la salle de montage du Che, il était juste en train de mater des films de cul pour trouver sa muse. Et rien que la filmo de Sash Grey compte 160 titres. Mais il suffit de voir sa scène dans Babysitters pour comprendre son choix. Au-delà de la performance, auréolée d'un AVN Award en 2008, l'actrice magnétise l'image et réussit à rendre abstrait ce qui l'entoure, à commencer par trois bibendums porte-bites. Qui se sert de l'autre, qui est actif et passif, le spectateur ne sait plus très bien et c'est tant mieux. Mais Sasha Grey n'a pas seulement un regard, elle a une personnalité forte qui transparaît dans ses films et dans la vie. Moins d'un an après ses débuts dans le X en 2006, elle est nominée comme Performer of the Year aux AVN Awards, distinction qu'elle est la plus jeune à décrocher l'année suivante à l'âge de 20 ans. Et surtout, elle créé sa propre agence, pose pour la marque de vêtements American Apparel ou Smashing Pumpkins et se vante à la fois d'être à la fois une existentialiste, citant autant Godard que Bowie, et the dirtiest girl in the world.

 

 

Steven Soderbergh n'a donc pas besoin de la déshabiller pour le rôle de Chelsea, que le spectateur va suivre dans cinq jours au gré des rendez-vous avec ses clients et des discussions avec son petit ami. Il l'effeuille pourtant, toujours avec naturel et pudeur, et elle est alors aussi belle que mystérieuse. Ce n'est pas qu'elle est bonne actrice, mais mâchoire fermée et regard perçant, elle rend son personnage physiquement intéressant, pour ne pas dire fascinant dans certaines scènes de flottement ou de dialogue. Le critique américain Jim Hoberman de Village Voice écrit ainsi qu'elle incarne à la fois Marlon Brando et Maria Schneider dans Le dernier tango à Paris. Est-ce un monstre qui joue la victime, ou l'inverse ? Car, sinon, le film en dit peu sur elle. Entre tergiversions et autres improvisations, on comprend qu'elle veut monter son entreprise, qu'elle demande des conseils à ses clients mais que c'est la crise, que les élections américaines ont lieu et que l'argent ne fait pas le bonheur.

 

 

S'il est produit sur le même modèle indépendant que Bubble en 2005 avec une sortie simultanée au cinéma, en DVD et sur Internet le 22 mai 2009, The Girlfriend Experience se révèle moins narratif et plus expérimental. Entre Schizopolis et Full Frontal, le réalisateur filme ici avant tout pour lui, peut-être convaincu qu'à travers les errements esthétiques de cette call-girl en écho à cette scène récurrente de débats économiques en jet privé, il livre une photographie... pardon une cinématographie de la société et de son époque. Il réussit surtout par moments à ce que l'improbabilité entre le fond et la forme crée un espace de libertés et de plans, dans lequel le spectateur aime se perdre en compagnie de Sasha Grey. C'est peut-être ça la vraie Girlfriend Experience.

 

Résumé

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