Critique : Amerrika
C'est a priori un hasard, mais le titre original Amreeka du film de Cherien Dabis est devenu en "français" Amerrika, dont les quatre premières lettres résument bien l'esprit général de l'oeuvre. Le scénario raconte en effet l'arrivée aux États-Unis d'une femme palestinienne et de son fils, qui découvrent rapidement que l'Eldorado n'est pas si doré que cela. Terrible constat pour qui a rêvé des USA pendant des années ; mais la route est suffisamment longue pour leur permettre de trouver leur voie. Voilà un premier film d'une simplicité exquise, pas franchement surprenant dans son traitement, mais exécuté avec une telle sincérité qu'il y a de quoi avoir les larmes aux yeux. Très apprécié à Cannes en mai dernier, Amerrika est un bijou de modestie.
Même
s'il ne se dépare jamais d'une certaine bonne humeur, le film de
Cherien Dabis manie très souvent l'amertume en démontant efficacement
les rouages de ce prétendu paradis social qu'est l'Amérique. Employée
de banque en Palestine, Mouna ne trouvera rien de mieux qu'un poste de
caissière chez White Castle (le fast food préféré de Harold &
Kumar). Venu au lycée pour parfaire son déjà excellent niveau scolaire,
Fadi se heurte rapidement à une poignée d'abrutis qui trouvent très
spirituel de l'appeler Oussama. En prenant pour héros des personnages
intelligents et plus civilisés que bien des américains, Amerrika
montre que le préjugé est au coeur de tout, bien plus que de prétendues
divergences culturelles. C'est le message, certes pas neuf, d'un film
qui s'emploie tout de même à chercher quelques amorces de solutions ou
en tout cas à dédramatiser les situations.
Au coeur du film, une
actrice, Nisreen Faour, qui pour ses débuts devant la caméra accomplit
des merveilles. Parce qu'elle est d'un naturel achevé, parce qu'elle
n'a pas tout à fait un physique de rêve et parce que ses grands yeux
curieux sont irrésistibles, elle parvient à rendre Amerrika
définitivement attachant et assez crédible. Elle est au coeur de toutes
les scènes-clés du film, aux ficelles parfois un peu voyantes mais à la
fraîcheur toujours renouvelée. La voir expliquer au douanier qu'elle
n'a pas de nationalité ou vendre des produits de régime aux clients du
fast food n'a pas de prix. C'est notamment pour elle qu'il faut aller
voir cette première oeuvre prometteuse qui a détendu la Croisette tout
en la faisant réfléchir un peu.
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