Critique : Ce cher mois d'août

Thomas Messias | 17 juin 2009
Thomas Messias | 17 juin 2009

C'est souvent une bonne nouvelle : Ce cher mois d'août n'est ni résumable en moins de 50 mots, ni classifiable dans un genre ou un autre. Le deuxième film du portugais Miguel Gomes est un curieux entrelacs de documentaire, de drame, de farce et de mise en abyme, puisqu'on y décrit à la fois le mois d'août d'un village assez ordinaire qui vit au rythme des fanfares et autres chanteurs de bal, la relation ambiguë qui unit un musicien, sa fille et son neveu, et les galères - inventées - du réalisateur lui-même, ou plutôt de son double, qui semble tout faire sauf tourner ce qui figure dans le scénario validé par la production. Tout cela se mélange dans un tourbillon aussi simple que dévastateur, au rythme des chansons populaires entonnées par quelques stars locales. Et tout trouve une étrange cohérence, Gomes ayant suffisamment de talent pour ne jamais donner l'impression d'avoir le cul entre deux chaises ou plus.


Il est possible d'être un peu paumé au début, de ne pas bien comprendre ce qui se trame à l'écran, de ne pas parvenir à répondre au basique « fiction ou réalité ? ». Mais, pour peu qu'on se laisse prendre au rythme languide mené par un Gomes sûr de son fait, ces questions sont bien vite effacées par un amusement permanent et une vraie fascination pour le curieux objet qui se construit devant nous. Il y a le caractère pittoresque de ce village que rien ou presque ne différencie des autres ; il y a la menace latente constituée par les feux de forêt ; et il y a ce type agaçant, double du cinéaste (et interprété par lui-même), qui n'en fait qu'à sa tête et s'interroge à demi-mots sur la nature de sa mission créatrice. Ce cocktail foisonnant est follement ludique et souvent excitant.


Tout serait parfait si Gomes n'avait tendance à diluer un peu trop l'essence de son film dans d'interminables captations de concerts. C'est le premier défaut du film, qui n'avait guère besoin de nous infliger une dizaine de chansons souvent mielleuses. En tranchant dans ces séquences, le film aurait pu être plus court et percutant ; en l'état, ses deux heures et demie paraissent manquer parfois de souffle alors que quelques coupes auraient facilement pu être effectuées. L'autre souci de Ce cher mois d'août (titre inspiré par l'une des chansons, justement), c'est qu'en fin de course il s'oriente un peu trop vers l'histoire dramatique du triangle incestueux et laisse un peu le reste en route. Comme si le cinéaste n'assumait pas totalement le côté "bordel organisé" des deux premières heures. Des réserves qui ne valent pas grand chose face à la passionnante proposition de cinéma que constitue ce film, qui place Miguel Gomes à hauteur des grands metteurs en scène portugais que sont João Pedro Rodrigues et João César Monteiro.

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