Critique : Ne me libérez pas je m'en charge

Thomas Messias | 15 avril 2009
Thomas Messias | 15 avril 2009

Réalisatrice de fictions pesantes, très ancrées socialement, Fabienne Godet se tourne cette fois vers la case doc avec ce portrait de Michel Vaujour, petit gangster et surtout roi de l'évasion, qui s'est fait la belle cinq fois en 27 ans d'emprisonnement. L'ensemble est d'une extrême simplicité : assis dans sa salle à manger, filmé en très gros plan, Vaujour résume les grandes étapes de sa vie, respectant scrupuleusement la chronologie et ne s'autorisant que quelques digressions. Aussi passionnant soit son parcours, Ne me libérez pas, je m'en charge  pâtit pourtant de cette absence caractérisée de style, de partis pris. Le cinéma est censé être un art, or il n'y a rien d'artistique là-dedans. Juste deux ou trois paysages pour faire joli ou marquer les transitions.

 

Très en retrait, Fabienne Godet semble peu directive et laisse Vaujour faire son propre film, tirer les fils de sa vie à la vitesse où il l'entend. On sent que ces dizaines d'années d'ascèse (17 ans en cellule d'isolement !) pèsent sur cet homme, véritable moulin à paroles qui pense à mille choses à la fois, ressasse des formules de son cru commes des mantras, nous sert une philosophie qui l'a sans doute aidé à survivre mais qui a également un côté indéniablement foireux. C'est à la fois la force et la limite du film : montrer que ce prétendu héros n'en est pas un, que c'est un homme archi ordinaire, détruit non seulement par la prison mais aussi et surtout par son mode de pensée tordu et parfois primaire.

 

Souvent agaçant, parfois émouvant, Vaujour n'est jamais aussi convaincant que quand il explique les circonstances de ses évasions, la minutie de la préparation, l'adrénaline du moment. Un rien admirative, Fabienne Godet laisse alors ses yeux briller, oubliant un temps la souffrance et le malheur que ce type a pu causer autour de lui tout au long de sa vie. Michel Vaujour ne sort pas grandi de ce film, mais il n'en sort pas non plus démoli, et c'est sans doute ce qui sauve cette oeuvre désorientée, qui aurait bien eu besoin d'un vrai cinéaste pour la porter.

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