Critique : Adoration

Thomas Messias | 13 avril 2009
Thomas Messias | 13 avril 2009

Très fraîchement accueilli lors du dernier festival de Cannes, le dernier Atom Egoyan constitue un retour au style et aux thèmes de ses premières oeuvres, quelque part entre Family viewing et Next of kin. À une notable différence près : l'avènement de l'internet, cette gigantesque toile rapidement devenue incontrôlable. Si son objectif premier reste la facilitation des échanges de ressources et d'informations, le web est aussi et surtout devenu une machine à fabriquer des monstres, petits Frankenstein pervers profitant de la frontière de l'écran ou du pseudo pour s'adonner à toutes sortes de jeux destructeurs. Une mine d'or pour le cinéaste canadien, qui sous couvert d'un film modeste parvient à en dire beaucoup sur le sujet.


Terrorisme, internet et création : au gré d'un scénario pas aussi simpliste que le laisserait penser n'importe quel résumé, Adoration crée un malaise immédiat et durable, qui va bien au-delà de la petite charge provoc anti nouvelles technologies. Imaginant un logiciel de discussion vidéo dans lequel le nombre d'interlocuteurs apparaissant à l'écran est quasi infini, Egoyan fait naître devant nos yeux un split screen tout bonnement effrayant, qui montre à quel point un simple mensonge peut en venir à ronger des milliers de crânes, a fortiori lorsqu'il est transcendé par le phénomène de groupe. Le jeune héros, Simon, offre un point de vue idéal sur l'ensemble car il est à la fois l'instigateur et la victime de ce qui se produit, à la fois dépassé par les évènements et parfaitement conscient d'être celui qui continue à alimenter le monstre.


L'ensemble est d'autant plus fascinant qu'à la vision de Simon s'ajoute celle de Sabine (Arsinée Khanjian, fabuleuse comme toujours), le professeur qui l'a plus ou moins poussé à se créer un passé fait d'un père terroriste et d'une mère kamikaze et enceinte. Le film interroge la responsabilité morale de l'artiste et décrit plusieurs niveaux de culpabilité avec une froideur constante mais absolument pas rebutante, d'autant que se noue dans la seconde partie un imbroglio énigmatique qui donne à reconsidérer l'ensemble. Si ce le grand metteur en scène qu'est Egoyan a certes déjà fait mieux par le passé, livrant régulièrement des films aussi complexes mais plus limpides, son Adoration mérite clairement que l'on s'y attarde, quitte à rejeter en bloc son aspect éminemment sélectif.

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