Critique : Villa Amalia

Thomas Messias | 8 avril 2009
Thomas Messias | 8 avril 2009

Vingt ans que Benoît Jacquot travaille encore et encore le même personnage, celui d'une femme qui choisit délibérément de s'abandonner. À un lieu, une personne, une croyance. Pas étonnant qu'il ait choisi d'adapter le roman de Pascal Quignard, dont l'héroïne présente exactement le même profil. Musicienne renommée, en couple avec un type ordinaire qui la trompe, elle décide de lâcher prise et de se volatiliser, se séparant de tous ses biens et coupant tout contact avec ses connaissances. Toutes sauf une : Georges, ami d'enfance récemment retrouvé, qu'elle choisit comme garant de son projet, confiant à lui et lui seul les tenants et les aboutissants sa vie d'après. On a déjà vu des personnages tout plaquer pour changer de vie, et/ou quitter la matérialité du monde moderne pour aller vers le dénuement et donc la richesse intérieure. Ann n'a rien à voir avec eux : elle laisse tout derrière elle par lassitude, son seul projet étant, pour résumer trivialement, qu'on lui foute la paix. Elle finira par trouver un havre de paix (la villa Amalia du titre) où réaliser son idée.


Après une période d'errance stylistique, Jacquot a visiblement retrouvé du grain à moudre et met parfaitement en scène le drôle d'état dans lequel se trouve Ann, prise dans une lente phase de transition entre deux existences. À la vision angoissante d'un appartement blanc et vide comme l'enfer succèdera celle d'une mer bleue et calme, aux mouvement imperceptibles et hypnotiques. Pour autant, cette vision n'a rien de binaire : Villa Amalia ne nous fait jamais le coup du "c'est mieux ailleurs" et du dépliant touristique, montrant à travers le personnage de Jean-Hugues Anglade que malgré le changement, l'angoisse est toujours là. Isabelle Huppert est l'évidence même (presque trop) pour ce rôle de femme antipathique mais magnétique, renforçant le caractère inconfortable de ce curieux film qui réussit à poser une atmosphère par très petites touches. Certaines séquences sont bouclées en l'espace de trois plans, et bien bouclées. Preuve que derrière la caméra se trouve un excellent metteur en scène.

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(4.5)

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