Critique : Far north
D'Asif Kapadia, plutôt que The return (énième bidule fantastoc avec Sarah Michelle Gellar), il vaut mieux retenir The warrior, thriller d'aventures anglo-indien assez marquant. On retrouve dans Far north quelques-uns des thèmes qui animaient ce premier long, et notamment la façon dont l'être humain, noyé dans l'immensité des grands espaces naturels, finira inexorablement par sombrer dans la folie nombriliste. Étrange film que celui-ci, qui débute comme un énième film d'aventures dans le Grand Nord avant de se muer brusquement en un triangle amoureux très particulier.
Il faut dire que les trois protagonistes sont
seuls au milieu de nulle part, et donc face à eux-mêmes en permanence,
sans possibilité de se cacher, de s'isoler ou de mentir durablement,
d'où le côté pervers de la situation, celui-ci étant accentué par le
fait que les deux femmes qui se disputent les faveurs du même mâle sont
mère et fille... Glauque ? Pas vraiment, ou en tout cas pas
immédiatement. En bon faiseur d'images, Kapadia utilise à merveille les
décors toujours plus blancs pour adoucir et rafraîchir ce qui aurait pu
n'être qu'un drame lourd en pathos. Il accouche d'un film délicat, à
bonne distance de ses personnages, sans doute un peu trop glacé (au
sens figuré) pour réellement impliquer son spectateur mais disposant de
quelques scènes-clés vraiment fortes.
L'un des points forts de Far north,
outre son interprétation sans faille, c'est la façon dont le scénario
va finalement faire des choix, s'éloignant peu à peu des canons d'un
genre trop souvent poussé par les convenances à finir en queue de
poisson et en non-dits. Plus le générique approche et plus il se
passera de choses, l'intensité allant croissant jusqu'à un dénouement
franchement mémorable mais pas totalement abouti. Ce n'est donc pas la
tiédeur qui prime dans ce beau film où la chaleur des corps contraste
admirablement avec la rigueur du climat. Bien que pas totalement mûr,
Asif Kapadia est un cinéaste à suivre.
Lecteurs
(4.0)