Critique : Une famille brésilienne

Thomas Messias | 15 mars 2009
Thomas Messias | 15 mars 2009

En mettant de côté les films collectifs Chacun son cinéma et Paris je t'aime, Walter Salles n'avait rien tourné depuis Dark water en 2005. Un film de commande qui ne lui a apparemment pas laissé un souvenir impérissable, puisque le revoici dans son Brésil natal, plus exactement à Sao Paulo, en compagnie de Daniela Thomas (coréalisatrice d'Avril brisé). Banalement rebaptisé Une famille brésilienne, Linha de passe (terme footballistique) est le portrait collectif de quatre demi-frères (tous de père différent) et de leur mère enceinte du cinquième. Collectif ? Pas tant que ça. Car Thomas et Salles insistent au contraire sur l'individualisme de l'existence des membres de la famille, chacun ne gérant que ses préoccupations propres sans vraiment se soucier de celles des autres. Il est ainsi très rare que plus de deux personnages apparaissent en même temps à l'écran.


Ces portraits croisés apparaissent (un peu trop) comme un catalogue exhaustif des différentes façons de voir l'avenir quand on est brésilien et pauvre. Parmi les quatre frères, l'un s'obstine à croire à une carrière de footballeur, un autre pense trouver sa place au sein de l'Église, le troisième est à deux doigts de mal tourner, et le cadet, qui n'a pas encore choisi sa voie, ne pense qu'à trouver son père. Quatre facettes d'un même pays qui semble n'avoir que ses beaux paysages pour lui. La vision des réalisateurs est désabusée mais pas irrémédiablement désespérée : subsistent quelques notes d'espoir, à la faveur d'un traitement qui évite assez habilement le misérabilisme. S'il manque quelque chose à Linha de passe, c'est juste un supplément d'âme, le petit détail qui ferait la différence sur le fond ou sur la forme. Car le film est gagné par une impression de déjà vu, légère mais persistante.


Finalement, le plus intéressant dans cette peinture d'un Brésil pas sorti de l'auberge, c'est le personnage de la mère. Interprétée par une Sandra Corveloni primée à Cannes (pourquoi pas), Cleusa ne semble pas bien comprendre pourquoi elle attend à nouveau un enfant, et semble vivre sa vie comme une pénitence, un sacrifice géant, à peine apaisé par sa passion pour l'équipe des Corinthians. Elle est le reflet d'une époque où la fécondité est révélatrice d'un épais désespoir alors qu'elle devrait être tout le contraire. On comprend pourquoi elle n'apparaît pas tant que cela à l'écran : la voir évoluer, portant son gros ventre comme un boulet, a quelque chose de singulièrement déprimant.

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