Critique : The Last lear

Marjolaine Gout | 24 février 2009
Marjolaine Gout | 24 février 2009

Rituparno Ghosh échoue avec un film terne, sans saveur et éprouvant mais pourtant sauvé par une aura émanant d'une musique exaltante, d'un Amitabh Bachchan ébouriffant et d'une Preity Zinta vivifiante servi par le spectre de Shakespeare.

 

Un maillon dans la structure du chromosome de The Last Lear manque irrémédiablement. La mise en scène de Rituparno Ghosh nous laisse mi-figue mi-raisin. Il y a pourtant dans ce film, différentes pistes, mises en abyme, intéressantes et ingénieuses mais leur traitement n'aboutit pas. La transposition de la pièce de théâtre de Utpal Dutt, Aajke Shahjahan avait de quoi séduire mais la confrontation du cinéma et du théâtre ne triomphe guère.

 

Le temps s'égraine au ralenti. La magie esthétique de Rituparno Ghosh s'est volatilisée. Elle ne subsiste ici que dans de brefs moments où la bande son, boostée par des basses fulgurantes, vient souligner ces scènes cruciales. Ces artifices théâtraux, certes Amitabh n'en a nul besoin pour déclamer avec verve du Shakespeare mais ceux-ci habillent la scène, en nous immisçant au théâtre, au-delà du carcan du cinéma. Car le but de Ghosh est de réussir à fusionner ces deux arts. The Last Lear traite de la confrontation d'un acteur retraité, féru de Shakespeare et d'un jeune cinéaste partageant une distraction commune, réunissant leur passion, sous la forme d'une vidéo surveillance filmant le théâtre de la vie. La condition des femmes, thème cher à Ghosh est aussi narrée mais en sous thématique.

 

Ce film qui aurait pu être un face à face habile et bouillonnant où se jouent amitié et trahison, s'époumone dans une vaine tentative. Les emprunts à La tempête et au Roi Lear chargent certes de sens la tragédie qui se joue sous nos yeux, mais en y léguant un goût amer pour les non initiés où le poids des mots et de leur sens s'échappent. Mais, même pour des experts, les intentions peuvent dérouter. La moelle osseuse de The Last Lear s'arc-boute ainsi sur deux extraits : La Tempête acte V scène 1, le renversement final nous exposant l'abandon de la magie par le personnage de Prospero et Le Roi Lear acte IV scène VII, Cordelia au chevet de son père. La première sert à Amitabh d'illustration face au jeune réalisateur. Il expose le pouvoir du théâtre, où les artifices comme ceux déclinés dans le texte et ici allusion aux techniques cinématographiques sont réfutés. Elles n'ont en effet point l'art et la manière de se substituer à la performance de l'acteur. La seconde pièce dont fait référence le film, balaye l'intégralité du récit. Car en effet, sous des effets de style, de flash-back, Ghosh nous sert un Roi Lear revisité. Le roi est ici un acteur, le dernier d'une lignée trahi par Arjun Rampal, le réalisateur le menant à l'échafaud. Preity Zinta, incarnant sa protégée à laquelle il léguera ses ficelles d'acteur, est la seule à lui rester fidèle à l'image de Cordelia, la fille du roi Lear. La pièce de théâtre grignote ainsi peu à peu sur le récit. Le Roi Lear, joué par Amitabh, prend corps. La mutation s'opère ainsi au fil du film et atteint son paroxysme lorsque Preity Zinta se rend au chevet d'Amitabh. Le mimétisme du scénario et de la pièce du Roi Lear se noue dans la scène finale. Se réveillant de son coma, Amitabh prononce les tirades du Roi Lear. Preity Zinta lui donne alors la réplique, celle de Cordelia. L'image se fige. La voix d'Amitabh déclame Shakespeare. La mutation de l'acteur au tempérament troublant et proche du Roi Lear, à la fois passionné, fou et lucide est finalisée.

 

The Last Lear propose ainsi tout comme son alter ego Le Roi Lear une exploration de la condition humaine en injectant parcimonieusement des soubresauts comiques dans cet univers pesant. Amitabh Bachchan et Shakespeare sont la clef de voûte de cette œuvre l'illuminant de leur nimbe. Sans eux...il n'y aurait pas de Last Lear. Amitabh l'incarne, le porte et l'immortalise. Malheureusement, ce long-métrage qui s'escrime à être cérébral et à capturer des scènes intenses se perd dans sa quête imaginaire. Pourtant il y avait matière à réaliser une œuvre inoubliable.

Résumé

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