Critique : Dostana

Marjolaine Gout | 24 février 2009
Marjolaine Gout | 24 février 2009

Comédie, sortie des marmites de la production Karan Johar, pourvue d'un casting alléchant et de scènes cocasses, Dostana n'est malheureusement pas sous les auspices de la déesse Thalie. Chausse-trappe efficace, a priori, ce film, au sujet audacieux, échoue dans le manque de subtilité et d'aboutissement.

 

Après le célèbre quiproquo de Kal Ho Naa Ho, « le Kanta Bhen slapstick », avec Shah Rukh Khan et Saif Ali Khan pris par méprise pour un couple gay, Abhishek Bachchan et John Abraham relèvent le défi d'être folles ! Et quelle bravade dans un pays où l'homosexualité est répréhensible par un tour au cachot. Mis en place par un lord anglais, dans la section 377 du chapitre XVI du code pénal indien, les sujets touchant les invertis restent donc sensibles et tabous. La sortie de Fire de Deepa Mehta connut ainsi de vives contestations. Mais ces protestations n'enraillèrent pas l'ardeur des producteurs, scénaristes...à composer et proposer des intrigues autour de la thématique de l'homosexualité à l'instar de l'émouvant My Brother ... Nikhil. Ainsi, si le cinéma d'auteur n'hésite pas à exploser les tabous, les films de divertissement hindi ne sont pas en reste.

 

A l'heure Karan Johar, les conventions sont pulvérisées, à l'image de son Kabhi Alvida Naa Kehna où il n'hésite pas à illustrer un divorce sous une forme romanesque. Cette fois-ci, l'assistant réalisateur de Karan, Tarun Mansukhani, est aux manettes pour conter cette comédie sulfureuse. Dostana marque ainsi un tournant dans la société indienne et son cinéma en devenant le premier film comique sur l'homosexualité. Mais pour narrer ce sujet subversif, c'est avec des gants qu'a été saisi ce projet. Ainsi, l'action a été délocalisée sur les landes des vices : Miami.

 

Ce long-métrage, tant attendu, est malheureusement une déception. Dostana, ou amitié en langue rabelaisienne, est indéniablement divertissant mais gangrené par une multitude d'accrocs. Si le scénario est dénué de verve et d'audace, Miami a très certainement contribué à happer l'essence artistique du réalisateur. Et pourtant à l'exception d'une scène d'exposition musicale cauchemardesque et de l'arrivée de l'éteignoir Bobby Deol, la comédie bien que parfois outrancière et grossière est sans nul doute apodictique. Abhishek excelle dans la farce et le domptage de mimiques, tandis que Kiron Kher, à la rescousse d'une insuffisance « burlesquatoire », réinjecte du piment au récit. Mère dévote et horrifiée face au coming out de son fils, elle génère l'hilarité. On regrette la brève présence de son personnage qui aurait nécessité d'être étoffé. Dans la même veine, les clins d'oeil aux œuvres de Karan Johar et compagnie étayent les ressorts de la comédie avec réussite. On regrette néanmoins une absence de finesse dans certains gags et que John Abraham et Priyanka Chopra soient réduits à faire tapisserie. Mais la véritable faiblesse de ce long-métrage siège dans la seconde partie plombée, par une narration à bout de souffle. Calquant la forme classique du cinéma hindi, le film tombe dans un triangle ou plutôt carré amoureux dénué d'imagination et de piquant. Un ravalement de scénario aurait été bénéfique pour gommer les clichés et ajouter de la folie.

 

Un film à éviter pour tous les allergiques du cinéma indien outrancier. Certes annihilée par des écueils, cette comédie légère restera dans les annales du cinéma hindi. Même si l'on constate que Dostana souffre d'une gabegie le condamnant, il marque un pas dans l'acceptation de l'homosexualité en Inde. L'industrie du cinéma indien se substitue ainsi une énième fois au rôle de médiateur, d'instigateur du changement et de l'évolution des moeurs.

 

Pour les novices en culture indienne petit glossaire pour une meilleure compréhension du film et de ses références :
Un pied renversant un bol de riz : Un des rituels du mariage hindou. Lors du franchissement de l’entrée de sa demeure, la mariée s’exécute à renverser ce bol.
Gabbar Singh : Anti-héros sanguinaire de Sholay.
Munna Bhai et Circuit : Amis et gangsters aux grands cœurs de la comédie Munna Bhai M. B. B. S.

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