Critique : Nord paradis
On a déjà vu sujet plus exotique : avec Nord paradis, Christophe Lamotte dresse le portrait d'une entreprise familiale (une casse située à Boulogne-sur-mer) et de ceux qui la font. Et s'attache un peu plus à une certaine Marie-Rose, chef de famille et chef d'entreprise, qui du haut de sa soixantaine fait vivre quatre générations. Nord Paradis, c'est la version urbaine des Profils paysans de Raymond Depardon : le travail y est une religion, se transmet le plus souvent des parents aux enfants, et constitue le seul et unique facteur de réussite sociale.
S'il s'agit bien d'un documentaire, le
film de Lamotte présente tout de même une originalité : deux acteurs se
sont glissés dans le casting. L'un, Jean-Michel Fête, joue le rôle de
Christophe Lamotte, lui-même petit neveu de Marie-Rose, et peu enclin à
se montrer face caméra. L'autre, Aurélia Petit (vue entre autres en
collègue de Chabat et Bernal dans La science des rêves),
incarne Aurélia, étudiante en sociologie venue préparer son mémoire.
C'est donc elle qui remplit la fonction d'intervieweuse, même si le
plus souvent il lui suffit de se montrer à l'écoute pour que ses
interlocuteurs se mettent à lui raconter leur vie en long et en large.
Le parti pris du réalisateur se révèle vite gênant, parce qu'on en
vient à douter de l'authenticité des scènes ou apparaît l'un des deux
comédiens (très bons au demeurant).
À condition d'accepter ce drôle de choix, Nord paradis
est un doc assez saisissant sur cette dynastie pas-de-calaisienne. La
première heure est la meilleure, chacun des membres de la boîte
contribuant à faire le portrait de Marie-Rose sans que jamais elle
n'apparaisse à l'écran ; la seconde est un peu moins passionnante, la
matérialisation de la dame lui faisant soudain perdre une part de
mystère. Mais le décor du film, une sorte de gigantesque cimetière des
éléphants, est si plein de ressources qu'il est finalement impossible
de s'y ennuyer. Ce Christophe Lamotte a du talent.
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